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Boarding House

Roger Ballen visite un ancien entrepôt à la périphérie de Johannesburg, il y photographie le micro-quartier qui s’y est organisé et les physionomies un peu dégingandées qui le peuplent. Les portraits qu’il fait de cette communauté vivant en marge de la société sud-africaine (travailleurs, parias) n’en sont pas vraiment, car les visages disparaissent quand des bras ou des mains surgissent d’un drap tendu (Grabbed).
Les hommes sont des figures abstractisées, un brin désarticulées (Cut Loose), issues d’un imaginaire un peu sombre, personnages de cabarets noirs et portraits d’êtres destitués.

Le travail de Roger Ballen, loin d’être documentaire, immortalise les situations et les objets insolites qui sont le quotidien de cette population marginale. Il manipule et juxtapose les signes, les ré-agence pour «déclamer» au visiteur de la galerie Kamel Mennour une poésie de l’obscur. Le temps semble s’être arrêté là, dans cette boarding house («pension») en marge du monde. L’œuvre de Roger Ballen nous invite à la rêverie mélancolique, et au réajustement de nos critères de normalité sociale.

L’univers créé par cette série de photographies est parfois symbolique avec Effigy (2007), figure noire en forme de visage rappelant le suaire donné à Sainte Véronique ou peut-être est-ce un clin d’œil au Smiley (version tragique) et au monde des internautes. Ce smiley à l’air triste, on le retrouve dans Mimicry (2005), mise en scène tragi-comique d’un dessin et d’un homme dont la présence est réduite à des bras croisés. Ces visages enfantins un peu grimaçants sont omniprésents, encore dans Toppled (2008) ou Seed Pods (2008), comme les petits amis imaginaires des habitants des lieux.

Roger Ballen semble créer une mythologie moderne, sorte d’images d’Épinal, un peu hors du temps, hors du mondain, comme l’offrande d’une beauté aux marges de la société, d’une esthétique de l’intouchable, révélatrice des plus profondes strates de l’expérience humaine et artistique. C’est le cas de Pathos, déconcertante mise en scène d’un singe en peluche «abandonné» devant un décor de lambeaux de tissus en forme de paysage surréaliste.
Un art en résonance avec l’univers décalé et néantisé d’un Samuel Beckett (Girl in White Dress, 2002) ou déconstruit et quelque peu monstrueux d’un Francis Bacon.

Liste des œuvres (non exhaustive) :
— Roger Ballen, Bewildered, 2003, Séries «Boarding House». Photo argentique noir et blanc, 50 x 50 cm.
— Roger Ballen, Cut Loose, 2005, Séries «Boarding House». Photo argentique noir et blanc, 50 x 50 cm.
— Roger Ballen, Pathos, 2005, Séries «Boarding House». Photo argentique noir et blanc, 80 x 80 cm.
— Roger Ballen, Interwined, 2007, Séries «Boarding House». Photo argentique noir et blanc, 80 x 80 cm.
— Roger Ballen, Boarding House, 2008. Photo argentique noir et blanc, 80 x 80 cm.
— Roger Ballen, Concealed, 2003, Séries «Boarding House». Photo argentique noir et blanc, 50 x 50 cm.

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