Communiqué de presse
Gábor Ösz
Blow-Up, The Window
Blow-Up
J’ai filmé et photographié un lieu qui pourrait faire penser à la scène du parc dans Blow-Up de Michelangelo Antonioni. De nuit, la caméra effectue un panoramique sur un coin de jardin trafiqué, dont la végétation est repeinte et éclairée de manière à avoir l’air réelle sur le négatif en noir et blanc. Les images en couleur, qui montrent la réalité des choses, ont l’air irréelles, mais sur les négatifs en noir et blanc, la végétation repeinte ressemble à un vrai jardin photographié en plein jour. De fait, la nuit est le négatif du jour.
Pour introduire cette donnée dans le film de manière imperceptible, la caméra zoome sur le ciel nocturne où l’image se convertit peu à peu en négatif noir et blanc. En voyant le ciel s’éclaircir jusqu’à devenir tout blanc, on a l’impression d’assister au lever du jour. Puis un long zoom arrière nous ramène à une image négative du jardin qui semble représenter la même vue prise en plein jour.
Avec cette mise en parallèle des vues manipulées et non manipulées, en couleur et en négatif noir et blanc, on ne sait plus ce qui est vrai ou faux dans ces images, soulevant une question plus générale sur la représentation du réel.
Le film d’Antonioni nous montre le photographe aux prises avec des photographies analogiques, qui avance pas à pas vers l’inconnu en transposant les images du négatif au positif et vice-versa. La métaphore de l’agrandissement (blow-up) sert à évoquer l’investigation et la pénétration à l’intérieur de l’image, donnant accès à l’inconnu et à l’invisible.
The Window
Le thème du très gros plan ou de l’image photographique disséquée, que j’ai tenté de visualiser dans Blow-Up, trouve une nouvelle variante dans The Window. C’est la première partie d’un travail en cours et la dernière oeuvre de la série consacrée à l’architecture nazie. Il s’agit ici du Berghof, le célèbre chalet de vacances d’Hitler. Cette maison n’existe plus. Elle a été dynamitée en 1952, car les Américains voulaient empêcher les pèlerinages. Elle possédait une grande baie vitrée de quatre mètres sur huit donnant sur les Alpes bavaroises. C’était le plus vaste site panoramique de ce genre à l’époque. La mégalomanie a toujours joué un grand rôle dans l’architecture de l’Allemagne nazie.
L’importance de la baie vitrée ne tenait pas seulement à ses dimensions, mais aussi à la vue qu’elle offrait. L’Unterberg se trouvait juste en face. Ce massif s’entoure de toute une mythologie depuis le Moyen-Âge. Hitler devait savoir que la légende lui attribuait des pouvoirs magiques. J’ai cherché des images du chalet sur l’internet et j’ai pu trouver trois photographies prises de la grande pièce dont la baie vitrée monumentale donnait sur les montagnes. Cette pièce était en ruine après la guerre. Noircie par un incendie, elle avait perdu son vitrage y compris le châssis. Il ne restait qu’un grand trou béant. Une photographie était prise de la partie gauche de la pièce, une autre du milieu et une autre de la droite. En les plaçant côte à côte, on reconstitue la vue d’ensemble.
J’ai découpé les fenêtres dans les images pour conserver uniquement les bords de la baie vitrée. Ces bords noirs ressemblent à la bordure noire autour d’un tirage d’après un négatif plus grand. Ces images s’apparentent ainsi à la photographie analogique et c’est pourquoi j’ai décidé de les retransformer en clichés analogiques.
J’ai posé sur mon écran d’ordinateur portable un film négatif de grand format pour préparer un négatif de contact que j’ai agrandi aux dimensions maximales encore disponibles pour les papiers barytés. Ce procédé analogique pourrait peut-être faire le lien avec l’époque à laquelle remontent ces images. The Window invite à se demander si un paysage peut être entaché de culpabilité, s’il est possible de rattacher des faits historiques à telle ou telle vue précise. Ce n’est pas la seule idée, mais simplement un autre angle d’approche d’une réflexion développée auparavant.
critique
Blow-Up, The Window