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Blow up

25 Mai - 21 Juil 2013
Vernissage le 25 Mai 2013

Les œuvres de Philippe Droguet sont à la fois organiques, charnelles et menaçantes, entre attraction et répulsion. Les formes créées relèvent de la peinture et de la sculpture, utilisant matières et objets familiers, mais intrigants: paraffine figeant des plis marmoréens, semences de tapissier en forme de pelage, coquillages, écorces...

Philippe Droguet
Blow up

Les œuvres de Philippe Droguet, de prime abord attirantes, organiques et pour certaines charnelles, se révèlent étranges voire menaçantes. L’artiste puise dans les paramètres constants de la sculpture, art à la fois visuel et tactile, optique et haptique, dont on sait qu’il s’incarne par le matériau, le volume et la manière d’occuper l’espace, autant que par la surface, l’épiderme qui capte la lumière.

L’artiste choisit par exemple ses matériaux pour ce qu’ils opèrent dans l’œuvre, le projet qu’il formule pour elle. La liste en est longue, disparate et potentiellement infinie mais elle fait toute la richesse des textures et l’étrangeté des formes: les vis, les semences de tapissier, les baignoires, les nichoirs, les bonbonnes de gaz, les chaussettes, les cure-dents, mais aussi les ossements d’animaux, la peinture d’autoroute ou la poudre pour cartouches de chasse. La paraffine fige un drap en plis, la semence de tapissier, au lieu d’être plantée, adhère à la surface et présente en pelage ses pointes acérées, l’écorce de l’arbre, peau parmi les peaux, se voit elle-même protégée d’une couche de paraffine délicatement passée au pinceau…

Droguet joue du volume, de la surface et du matériau pour explorer incessamment la visibilité et la latence des choses. L’albâtre est paraffine. La poudre à munitions devient pigment. Le matériau n’est pas seulement ce dont on extrait la forme, mais une unité sémantique choisie, sa signification. Il en déplace les points d’achoppement, comme il le fait de la distinction entre statuaire et ornement.

La première réfère au corps, le second au décor et en cela à la superficialité des formes. En réalité, Philippe Droguet est inquiet de la chair sous la peau, de ce qui précisément fait corps. Si Philippe Droguet ne fait pas de statues, nombre de ses œuvres occupent l’espace d’une même présence de corps dressés, sans être pour autant des figures. Selon les cas, l’enveloppe donne sa forme au volume, ou bien l’épouse par recouvrement.

Dans Battes, des chaussettes reçoivent une coulée de plâtre qui en les remplissant engendre les jambes absentes. Empilées ou disposées seules dans l’espace, ce sont les corps qui finissent par manquer. Dans le Cadeau, en revanche, la semence de tapissier couvre d’une fourrure soyeuse mais hérissée le fond d’une baignoire. Le corps est alors ce qui habite l’enveloppe. Corps de l’objet mais aussi corps qui aurait pu se lover dans l’objet.

L’ornement souligne la même ambiguïté, y participe. Les surfaces lisses et chatoyantes, les matières dures et pourtant mœlleuses, les textures qui accrochent, réfléchissent ou absorbent la lumière, composent une séduction. Ce ne sont que bijoux, beaux objets, moirures de métal, de bois ou de peinture, drapés, plis, seins marmoréens, coussins à la texture diaphane. Et si on ne peut manquer de penser au ready-made, il s’agit d‘autre chose, parce que les œuvres de Philippe Droguet présentent des atours bien rétiniens.

L’artiste décide de faire un pas de côté, de choisir le faire, de privilégier le résultat sur le process, sans omettre cependant de puiser aux registres de l’humanisme et de la modernité formelle. Ses œuvres s’installent ainsi sur le fil entre perception et conscience, image et corps réel, celui du sujet et celui de l’objet.

L’œuvre oscille en permanence entre la séduction et le tragique, un voile ténu les séparant, ce que l’artiste appelle le «tégument», c’est-à-dire la membrane, la peau, la surface, ce qui enveloppe et protège, ce qui couvre et dissimule, ce qui attire et leurre, ce qui s’affiche et simultanément soustrait au regard.

L’œuvre de Philippe Droguet tourne autour de cette certitude qu’il y a, par delà l’apparence, une autre réalité qui ne demande qu’à être dévoilée pour peu qu’on interroge l’au-delà de la surface. Cette conviction forte concerne aussi bien ce que les sociétés font de l’apparence et de la chair des corps que chaque conscience intime d’habiter une enveloppe qui ne peut être quittée.

Au 1er étage du Mac Lyon, l’exposition des œuvres de Philippe Droguet rassemble des pièces de la collection du musée et des œuvres récentes (depuis les années 2000), ainsi qu’une création 2013: Couvre feu, constituée d’une centaine de nichoirs à perruches assemblés sur deux lignes.

Le titre de l’exposition, «Blow up», fait référence au film de Michelangelo Antonioni (1966) qui obtint la Palme d’Or à Cannes en 1967: Thomas, photographe de mode, passe la matinée dans un parc, et attiré par la lumière, prend des clichés de l’endroit presque désert, à part un couple qui s’embrasse. Lorsqu’il développe les photographies du parc, il réalise par agrandissements successifs (blow up signifie « agrandissement » en anglais) qu’il a en fait été le témoin d’un meurtre. Blow up joue sur cette référence pour suggérer un rapport entre ce qui est visible au premier abord et ce qui se révèle ensuite.

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