Communiqué de presse
Camille Debray
Blind spot
Miroir aux alouettes et autres pièges de la représentation
Intitulée «Blind Spot», l’exposition personnelle de Camille Debray à la galerie Plume convoque des illusions d’optique. Le point aveugle est cette aberration physiologique intimement liée à notre mode de perception. Or, le travail de Camille Debray porte justement sur les points de jonction entre la peinture et la sculpture, entre la 2D et la 3D et brouille les pistes entre le réel et le virtuel: une sculpture est accrochée au mur (Grotto, 2008) un tableau est peint sur différentes face d’un volume de bois (Sans titre, 2009), une maquette convoque la stéréoscopie (Stéréoscope, 2010).
Blind Spot (2010) est également le titre d’une installation qui résonne comme un hommage à James Turrell. Un volume blanc joue, à une distance donnée, sur une illusion de planéité. Il est surmonté d’une peinture-fresque qui en recouvre les faces supérieures. On y voit un homme observant une montagne. Ce polyèdre oscille alors entre une sculpture et un édifice miniaturisé, un temple dont le fronton serait dédié au propriétaire du Roden Crater.
Cette installation fait écho à une petite peinture sur bois où l’artiste cherche à représenter Alta (white), une œuvre iconique de Turrell, une sculpture «sans objet» jouant sur la transparence et la présence. Camille Debray reprend ce paradoxe qu’elle transpose en peinture en s’intéressant à la représentation de la transparence sur une surface plane. Elle pointe ainsi la nature illusoire de son medium.
On ne s’étonnera donc pas de voir ressurgir dans plusieurs œuvres le motif de la grotte, autre forme de caverne, de piège de la représentation. Grotto (2008) est un moulage en porcelaine réalisé à partir d’un jouet. Inversé et cloué au mur, il perd de son aura sculpturale, si tant est qu’il ait jamais cherché à en acquérir. Il devient presque fonctionnel et fait penser à un reposoir aux allures un peu kitsch. Mais aucun objet en 3D ne repose sur ce prétendu support.
En lieu et place d’un objet, un dessin au cordeau – la modélisation d’une hélice en 2D — semble étrangement lié à ce support. Camille Debray détourne l’usage du cordeau, une technique provisoire empruntée au bâtiment servant à l’alignement, et crée ainsi des perspectives à partir d’un outil servant à tracer des lignes. Elle élabore les prémices d’une stratégie du retournement: si l’objet 3D n’est toujours pas actualisé, sa modélisation virtuelle, présentée sur son socle, est bel et bien actualisée.
Dans l’une de ses œuvres les plus récentes, Altère (2010), Camille Debray joue sur un nouveau paradoxe inhérent aux méthodes industrielles qui permettent de couler du béton. Le polystyrène, comme le cordeau d’ailleurs, est utilisé en maçonnerie de manière intermédiaire, transitoire. Or, Camille Debray s’empare de cet état transitoire pour opérer un nouveau retournement — également perceptible dans le titre de l’œuvre où l’on entend en sourdine le mot «haltère» qu’évoque la forme de la sculpture. Mais la simple saisie de l’objet entraînerait sa destruction, ou du moins, son altération.
Lorsqu’elle convoque le souvenir d’un espace et recompose une image réelle à partir d’une image mentale (Stéréoscope, 2010), elle l’associe à une illusion d’optique prisonnière d’un petit théâtre où elle poursuit sa recherche sur la dimension psychologique et sensorielle de l’œuvre.
Le passage du virtuel au réel – que ce soit par l’intermédiaire d’un logiciel de synthèse, d’une technique industrielle, voire de la mémoire – entraîne des perturbations dont s’empare Camille Debray pour nous perdre dans les méandres de la représentation.