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Bleu, blanc, rouge… et other colors

PLuc Tuymans
@12 Jan 2008

Zoulikha Bouabdellah est une artiste plurielle. Il faut dire que son parcours personnel est hétéroclite: née à Moscou, de parents algériens, elle vit et travaille à Aubervilliers, des origines mixtes qui sans nul doute rayonnent encore aujourd’hui dans son travail.

Son travail c’est donc sa vie : «Mon art c’est moi. Ca peut être de l’art plastique, de la vidéo ou de l’art contemporain. Et même s’il n’est pas exactement défini, il reflète ma sensibilité». Remplie de choses à dire, Zoulikha Bouabdellah évolue depuis sa sortie de l’Ecole nationale supérieure d’Arts de Cergy en 2002, dans le milieu de l’art contemporain. Avec la photo, la vidéo et d’autres types d’installations, elle va chercher au fond d’elle-même les thèmes et la matière de ses œuvres.

Brassages ethniques, dualités culturelles, dépassement des frontières, Zoulikha Bouabdellah mise sur les expériences vraies de la vie, elle défend l’apprentissage, l’expérimentation, s’adresse au vécu, sublime la construction identitaire.
Elle choisit des créations en mouvance, de celles qui ne se construisent que dans le regard du visiteur. Ses productions sont faites pour parler aux gens, les interpeller. Ce qu’ils y verront, ce qu’ils choisiront d’y lire, viendra comme un écho à sa démarche.
C’est dans ce dialogue, mieux, dans cette communion, et au nom de la sensualité, que Zoulikha Bouabdellah engage le regard et l’esprit de son spectateur, entre art et philosophie.

Pour cette exposition à la B.A.N.K., Zoulikha Bouabdellah est de toutes les performances.
La démonstration s’ouvre sur seize cadres renfermant des inscriptions en arabe à l’encre rouge. La collection s’intitule Chéri et met en avant des mots à connotation sentimentale. «Affection», «Émotions puissantes», «Amour» ou encore «Inclinaison vive» sont autant de messages ruisselants sur le mur blanc. La peinture semble encore humide et la calligraphie agile et volontaire. Ce premier espace distille avec mystère quelques bribes échappées d’une déclaration exclusive, une lettre d’amour géante à recomposer au gré des sensibilités.

L’autre installation-clé de ce parcours s’intitule Monochrome bleu et présente trois bustes de femmes ornés de soutiens gorges ainsi que trois têtes voilées. Le montage qui conjugue féminité et islam constitue lui aussi son propre commentaire. Sur un fond bleu électrique l’artiste évoque à sa façon l’ambiguïté des genres féminin et religieux.

Plus loin, Zoulikha Bouabdellah réalise son Rainbow Love : neuf photographies où des silhouettes viennent se dessiner sur des fonds aux couleurs psychédéliques. Du violet, du jaune, du rose habillent des profils d’anonymes, seuls ou à deux, dans des postures à la fois suggestives et énigmatiques.

Dans un coin, quatre de ses dessins aux simples tracés noirs, réinventent le David de Michel Ange, le Tireur d’épine et le Penseur de Rodin qui deviennent ici La Tireuse d’épine et La Penseuse.

Au sous sol, un grand écran passe en boucle une série de films vidéos. Parmi eux, on notera la jeune femme au voile blanc, silencieuse et statique, visage face à la caméra qui, dans une expression de souffrance, prend plusieurs minutes à extirper de sa bouche un chapelet décoré d’un christ crucifié.
On retiendra également le couple de petites figurines représentant deux époux le jour des noces. Blancs au départ, ils vont être progressivement coloriés au feutre noir.

Avec beaucoup d’audace, Zoulikha Bouabdellah ose des parallèles jusqu’ici défendus, et dont beaucoup pourraient encore s’offusquer. Mais elle sait susciter de nouvelles réflexions et moderniser les pensées. Travaillant sans cesse sur l’idée de personnalité, elle évoque les religions, les cultures et les genres, et cherche inlassablement à mettre en évidence ce qui rapproche comme ce qui éloigne les individus.

Métisse, Zoulikha Bouabdellah est avant tout une fille de l’univers qui défend un art hybride. La société est son matériau, en mutation permanente. C’est à travers cette société que Zoulikha Bouabdellah, tout comme Nelson Mandela à sa sortie de prison, continue de rêver de la «Rainbow Nation» (la Nation Arc-en-ciel).

Zoulikha Bouabdellah
— Cheri, 2007. Laque sur papier.
— Le Pouce, 2007. Encre et acrylique sur papier.
— La Penseuse, 2007. Encre sur papier.
— Rainbow Love, 2007. Photographie.
— Croisée, 2005. Video 5 ’.

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