Constable disait que «la peinture est une science dont les images ne sont que les expériences». C’est ce qu’éprouve Thomas Fougeirol qui met l’empirisme au centre de sa démarche, comme le montre son exposition à la galerie Praz-Delavallade. Thomas Fougeirol est un combattant dont les armes sont la peinture et des objets-empreintes. L’ensemble de son Å“uvre tisse des liens ténus entre figuration et abstraction, comme si aucune frontière infranchissable n’existait entre ces deux visions de l’art.
Les sept peintures de l’exposition «Black Sun» présentent des traits communs. Les motifs sont abstraits et la gamme réduite à trois couleurs principales — l’argenté, le noir et le blanc. Des traces bleues électriques viennent parfois teinter les compositions.
Un premier tableau, de petit format, est conçu sur le motif des pois. L’artiste semble avoir poché les ronds argentés sur fond noir. Mais de plus près, des épaisseurs noires, des croûtes autour des points, indiquent que la couche a priori superficielle est le fond et vice-versa. Paradoxalement, c’est l’empreinte noire du pochoir qui reste sur le fond argenté. Thomas Fougeirol aime expérimenter de nouvelles techniques. La peinture l’intéresse pour sa plasticité, pour sa matière qui l’étonne visiblement toujours. Il la travaille, la fatigue, cherche à l’apprivoiser ou même à la dompter.
Ce motif est décliné sur deux très grands formats que les pois remplissent dans une volonté de saturer l’image, comme des all-over de Jackson Pollock… Mais Fougeirol systématise le motif là où le maître de l’abstraction américaine laissait place au hasard. Cette saturation crée un mouvement visuel, une sorte de grisé optique.
Les pois sont un motif classique de la décoration, que Thomas Fougeirol ne fuit habituellement pas. Il puise d’ailleurs souvent ses modèles dans les ornements, les chapelles mortuaires ou les croix en fleurs, dont il s’affranchit toujours au profit des textures et de l’acte de peindre.
La surface d’un dytique vertical est traversée de traces noires comme des impacts de balles ayant endommagé l’aplat argenté. Les taches sombres sur fond gris évoquent un négatif photographique, une esthétique inversée. Une certaine violence teintée de poésie anime ces deux compositions qui évoquent également des constellations célestes.
Enfin un tableau monumental est composé de traces spectrales blanches sur fond noir, comme le Suaire de Turin. Sur la toile noire, les touches de pinceau sont remplacées par des empreintes de tissus, de draps ou de rideaux imprégnés de peinture blanche. L’idée du négatif s’impose encore, à cause de l’empreinte, de la copie figée d’un objet réel sur une surface plane, comme en photographie, comme aussi les anthropométries d’Yves Klein.
Les tableaux de Thomas Fougeirol sont animés d’une certaine vitalité, d’un rapport au dynamisme du corps. Sa peinture est matérialiste sans se réduire à la surface, elle naît d’une forme de spiritualité qui donne de l’immanence aux images. L’illusion de la perspective est abandonnée au profit de l’énergie artistique. Les Å“uvres conservent la trace d’un passage à l’acte… celui de l’artiste conquérant le tableau.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile sur toile. 250 x 375 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile et spray sur toile. 196 x 153 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile et spray sur toile. 196 x 153 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2009. Huile sur toile. 196 x 151 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile et spray sur toile. 90 x 69 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile et spray sur toile. 90 x 69 cm.
— Thomas Fougeirol, Untitled, 2010. Huile et spray sur bois. 27 x 22 cm.