Monica MajoliÂ
Black Mirror /1
Monica Majoli est une artiste culte. Elle produit peu, voire très peu d’Å“uvres. Elle travaille par séries, pour lesquelles elle met au point des techniques spécifiques. Elle s’est fait connaître au début des années 90 avec une série de peintures à l’huile de petits formats, représentant des scènes homocore ou des détails de son propre corps (une griffure sur un poignet, la nuque dégagée de cheveux…).
Plusieurs mois étaient nécessaires à la réalisation de ces ouvrages minutieux, peints suivant une technique à la Rubens, par l’application de multiples couches de liant et de couleur qui peu à peu font naître la profondeur d’un motif. Ainsi son autoportrait au godemiché Untitled (round), 1993-1995, en pied, qui a nécessité deux ans de travail.
La deuxième exposition que nous avions faite avec Monica présentait des scènes moins frontalement sexuelles, gouache et aquarelle utilisées conjointement sur une même surface pour de délicates situations forestières, hommes agenouillés aux poings liés et aux visages recouverts de cagoules, sous des arbres au feuillage automnal. De formats différents, de petits jusqu’à très grands, ces dessins rendaient avec un contraste inédit des scènes sadomasochistes et rituelles dans un monde flottant et ethéré, comme la représentation des états que souhaitent atteindre les adeptes de ces pratiques. Cette période dura dix ans.
Ce sont maintenant des portraits de femmes que Monica nous apporte de sa Californie, plans très serrés sur des profils au crayon de couleur, qui se dessinent en clair obscur sur des feuilles de papier noir. Portraits nocturnes réalisés de mémoire, ces épreuves incroyablement «léchées» sont autant peintures que «miroirs noirs», titre de cette dernière série. De l’aveu même de l’artiste: «La moitié d’image qui se reflète dans le miroir noir coïncide à la fois avec l’état intérieur de désir (elle représente ses partenaires de mémoire) et la crise de la croyance de du pouvoir de représentation de la peinture. Dans ces Å“uvres, c’est la surface elle-même qui prend en charge la dimension fétichiste, plus que l’acte représenté.»
Inutile de dire qu’on se tromperait à ignorer la dimension autoréflexive de ces dessins et peintures des plus rares, qui, pour appartenir pleinement au régime de la représentation, en sont une mise en cause. Ou tout du moins une interrogation sur leurs dimensions psychologiques et affectives — fétichistes en somme. Chez elle, le moyen de représentation ne vise pas tant à faire image que révéler les pulsions qui les motivent. Il n’est pas que le motif qui chez elle soit fétiche.