Travailler sur la politique, c’est travailler sur l’organisation de la cité. Sur les symboles de sa puissance, ses édifices stratégiques, ses représentants décisionnaires comme sur ses membres les plus anonymes. C’est montrer surtout que l’engagement ne passe pas forcément par des formes frontales, parfois jusqu’au ridicule, de dénonciations stériles ou de révoltes surannées. Renaud Auguste-Dormeuil tente de donner une vision d’une position réflexive sur les règles qui régissent nos vies dans une dimension qui va du quotidien au cosmique.
Dans son exposition Bigger Than Life, il traite en quatre séries de notre relation au monde et à ses formes de pouvoir. Bien que figuratifs, les quatre ensembles tendent tous vers une certaine forme d’abstraction, de manière évidente (I Was There, Power Blackout) ou en ayant recours à des formes effleurées, sentiment d’irréalité (Hôtel des transmissions — jusqu’à un certain point).
Ces deux séries fonctionnent d’ailleurs un peu en négatif l’une de l’autre, comme les deux dernières (Les Ambitieux et Sans titre) communiquent en miroir. En effet, alors que dans Hôtel des transmissions — jusqu’à un certain point, il nous présente les éléments majeurs d’une série de neuf capitales, entre tourisme et stratégie terroriste, dans I Was There, Power Blackout l’action arrive a posteriori. Vision technologique post-cubiste, le regard sur l’extérieur se fait au travers de la fenêtre et ouvre sur une vue au calme inquiétant.
Le deuxième binôme implicite est constitué de vingt Ambitieux, portraits de représentants officiels du pouvoir, la partie centrale, de la largeur du visage, coupée, et de quatre Sans titre montrant des couples dont un des deux membres s’écroule, soutenu par l’autre.
Les premiers sont des célébrités dont il ne reste que le décor pour les identifier, les seconds sont des anonymes détourés sur fond neutre. Les uns incarnent la force, les autres, la chute. Les uns sont la fonction, les autres l’humain.
Certes, les Ambitieux composent un aréopage imposant sur fond de déstructuration des sommets, laissant au spectateur la possibilité de jouer (par le truchement de l’arrière-plan, ce qu’on voit mais ne regarde pas) à retrouver ces monstres anonymes. Il n’empêche que la dénonciation sous-jacente, le choix de ne laisser dépasser que les oreilles, symbole de l’écoute des clameurs, des secrets ou des rebellions, la coupe frontalement inesthétique, tend à pencher vers les travers usuels et répétés des œuvres politisées.
Les petites histoires formant la grande, les couples des Sans titre révèlent une ambition insoupçonnée. S’ils font irrémédiablement penser à Robert Longo, la poésie des corps se mêle au réalisme des poses et donne à voir deux visions antagonistes de l’ivresse. Une ivresse qui, au cœur même de la chute, tutoie celle des sommets et du pouvoir, et apparaît là où on ne l’attendait pas. Forcément.
Liste des Å“uvres
— Renaud Auguste-Dormeuil, Hôtel des transmissions – jusqu’à un certain point, Paris, 2007. Impression numérique sous diasec. 70 x 216 cm.
— Renaud Auguste-Dormeuil, Hôtel des transmissions – jusqu’à un certain point, Rome, 2007. Impression numérique sous diasec. 55 x 216 cm.
— Renaud Auguste-Dormeuil, Les ambitieux #01, #02, #03, #04, #05, #06, #07, #08, #09, #11, #12, #13, #14, #16, #17, #19, #20, #22, #24, #25, 2008. Tirage lambda couleur. 13 x 18 cm chaque.
— Renaud Auguste-Dormeuil, Sans titre #56 (DM), #57 (DM), #58 (DM), #59 (DM), 2009. Tirage lambda couleur contrecollé sur aluminium et encadré.
— Renaud Auguste-Dormeuil, I was there, Power Blackout, March 04, 2009. New York, 40°45’27.49’’N_73°58’29.98’’O’’, 2009. Tirage lambda sous diasec monté sur aluminium. 109 x 203 cm.
— Renaud Auguste-Dormeuil, I was there, Power Blackout, January 30, 2009. Paris, 48°53’02.94’’N_02°14’55.25’’E’’, 2009. Tirage lambda sous diasec monté sur aluminium. 109 x 203 cm.
— Renaud Auguste-Dormeuil, I was there, Power Blackout, December 14, 2009. Rome, 41°54’34.417’’N_12°28’48.99’’E’’, 2009. Tirage lambda sous diasec monté sur aluminium. 109 x 203 cm.