La Platine, inaugurée en octobre 2009, conçue par les architectes Finn Geipel et Giulia Andi, accueille les deux expositions phares de la Biennale de design de Saint-Etienne: «La Ville mobile» que questionne Constance Rubini (rédactrice en chef de la revue Azimuts) et «Comfort» de Konstantin Grcic. Deux perspectives qui égrènent les alinéas d’une démonstration sérieuse, mise en page avec beaucoup de talent par François Bauchet et Benjamin Graindorge, scénographes de l’ensemble de la manifestation.
Repenser la ville, la pratique urbaine, améliorer la situation de l’individu en fonction d’une réévaluation de la notion de lieu, de temps, de distance, de déplacement? On y découvre une réalité augmentée de la mobilité, fondée sur les nouvelles technologies de la communication. La cité redevient un véritable espace d’investigation pour les designers de demain. Ils inventent de nouveaux modes de communication au gré des situations et des urgences, avec l’abandon souhaité par la commissaire Constance Rubini du seul diktat de l’automobile. Les voies de circulation sont réappropriées par des véhicules hybrides, légers (rollers), partagés (tramways)… L’espace interstitiel du déplacement devient une opportunité et non une contrainte ; l’homme nouveau est connecté au réseau. L’espace urbain peut alors reprendre tout son sens comme aux premières heures de l’humanité. Il est agora, forum — et non plus uniquement un lieu de travail avec ses heures de pointe et son trafic aliénant.
«Comfort», l’exposition du designer allemand Konstantin Grcic, propose un inventaire à la Georges Perec, du post-it aux ciseaux pour gauchers, objets et services ordinaires pensés pour améliorer notre quotidien. Son énumération est accompagnée par des légendes narratives rédigées par le journaliste Eckhart Nickel et questionne notre quête perpétuelle de confort. Une proposition ouverte, délicate, subjective qui se déploie en une vision étale de vitrines aux piétements variés — rythmée de confortables canapés drapés — où sont présentés sur un même plan les objets sélectionnés.
La promenade se poursuit dans la Cité du design attenante, installée dans les entrepôts de l’ancienne manufacture d’armes de Saint-Etienne. La pure fiction semble motiver la démonstration des designers anglais Dunne & Raby: «Between Reality and the Impossible» qui nous téléporte dans un futur technologique, plausible mais inquiétant, reflet de nos comportements de consommateurs anxieux.
Avec «Prédiction», Benjamin Loyauté imagine un espace international de création avec, en son centre, un lieu de réflexion et d’interrogation sur la discipline: L’usager peut-il devenir son propre designer? Le design doit-il être politique? Le design peut-il rompre avec la mémoire? La fiction d’aujourd’hui deviendra-t-elle la réalité de demain?… Autant de questions ouvertes qui l’autorisent à classifier designers et artistes sans être toujours convaincant. Cependant, son travail de récollection est impressionnant et contribue à dresser un panorama du patrimoine du design contemporain.
Saint-Etienne est donc une ville qui invite, tous les deux ans, à progresser dans la recherche et la réflexion en design autour d’une dizaine d’expositions de qualité. L’Unesco vient de l’admettre dans le réseau des Villes Unesco de design au côté de Berlin, Buenos Aires, Kobe, Montréal, Nagoya, Shenzhen, Séoul et Shanghai. Une reconnaissance plus que légitime…
― Happy Metropolis, monorail suspendu de Wuppertal, 1900. Allemagne. Dans l’exposition «La Ville mobile», Biennale du design de Saint-Etienne.
― Dock Dock ( Jaime Lerner), mini voiture électrique à usage collectif, 2009. Prototype. Dans l’exposition «La Ville mobile», Biennale du design de Saint-Etienne.
― DORO HandlePlus, HandlePlus 334gsm IUP. Téléphone portable pour personnes âgées ou handicapées. Dans l’exposition «Comfort», Biennale du design de Saint-Etienne.
― Ciseaux classic universel Gauchers 9850, (Olof Bäckström and Olavi Linden), Fiskars, 1972. Dans l’exposition «Comfort», Biennale du design de Saint-Etienne.
― See you soon (Dunne and Raby), réalisé pour l’exposition «Afterlife» dirigée par Auger Loizeau, 2009. Dans l’exposition «Between Reality and The Impossible», Biennale du design de Saint-Etienne.
― Soyuz Chair (Nelly Ben Hayoun), 2009. Dans l’exposition «Prédiction», Biennale du design de Saint-Etienne.
parisART sur Instagram