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Bi-portrait Yves C.

La diffusion du film Yves C., réalisé par le chorégraphe, distille l’idée d’un duo à plusieurs, un duo élargi comme il l’appelle. L’écran est démonté et le plateau demeure un instant vide et silencieux. Brusquement l’espace est empli de percussions rageuses à la provenance indéfinie. Lorsque Mickaël Phelippeau et Yves Calvez entrent en scène, ils se lancent dans une lutte dont les formes évoquent le mythe de l’androgyne. Leurs corps se mêlent, ils se portent, s’agrippent l’un à l’autre et ne font plus qu’un. Les formes sont étonnantes, l’effort est manifeste, la fusion a du beau. Leurs souffles résonnent à l’unisson tandis qu’ils affichent leur égalité. Au-delà de leurs caractéristiques physiques, de leur tempérament de danseur ou de leur formation, ils choisissent de s’unir et d’apparaître ainsi dans toute leur différenciation. L’homme de l’art contemporain et le chorégraphe d’Avel Dro, une compagnie de danses traditionnelles bretonnes, sont sur un pied d’égalité, un pied chaussé de sabots.

Lorsque les deux protagonistes se séparent, ils entament la danse proprement dite. Celle que défend Yves Calvez parce qu’elle a été créée pour être pratiquée, celle qu’a découvert Mickaël Phelippeau au hasard d’une résidence. Et l’on comprend pourquoi le bi-portrait opère si justement. Il permet la rencontre, il est une rencontre. Cette démarche qui a d’abord donné lieu à des clichés photographiques contient en elle-même toutes les possibilités d’échange. Lorsque deux inconnus inversent leur rôle, ils se mélangent un instant. Ce processus avait déjà donné naissance en 2008 à Bi-portrait Jean-Yves, partagé avec le prêtre de Bègle J-Y Robert.

Grâce à ce ravissement de l’autre, le sol tremble. Le rythme contamine les corps et enveloppe l’assistance. Un rythme entêtant et nécessaire. Le Round breton implique un rapport fort au sol et une confiance aux autres afin d’exister. Passé le sourire face à notre ruralité déviée, la puissance de la danse impressionne. Une marche qui est une transe, un épuisement, un étourdissement appliqué. Treize danseurs de la compagnie Avel Dro entrent à leur tour en scène. Le duo de départ est au repos, éreinté par l’énergie réclamée par le rituel tandis que le groupe avance les yeux fermés. La ronde et son centre toujours fascinant, celui que le duo avait interrogé à voix haute, se met en place. La présence est totale, l’écoute irréprochable. Le micro-instant bien connu des improvisateurs éclate dans sa nécessité. La ronde prend son sens, tout son sens sans donner de leçon.

Un groupe a partagé sa danse avec Mickaël Phelippeau, celui-ci s’est amusé à la ré-apprendre à certains bretons oublieux. Il s’est appliqué à rendre ce qu’on lui a donné et la générosité éclabousse le public. En convoquant une danse locale du Finistère Nord et l’état de conscience modifiée qu’elle contient, Mickaël Phelippeau parvient à nettoyer le regard et à esquisser une théorie fine de la différence, bien commun absolu. Qu’il en soit remercié.

― Interprétation : Yves Calvez, Mickaël Phelippeau… et le groupe de danseurs d’Avel Dro : Alwena Abhervé, Caroline Abiven, Aline Berthou, Marie Calvez, Madeline Kerdraon, Nicolas Loncle, Eolia Marhic, Aline Monrose, Gwenolé Premel, Aurélie Simon, Pascal Troadec, Maeva Cunci pour la « danse invisible »
― Collaboration : Maeva Cunci
Film Yves C. (diffusé en première partie) :
― Réalisation : Mickaël Phelippeau
― Montage et mixage : Maeva Cunci

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