Greta Alfaro, Mircea Cantor, Johan Creten, Nicolas Darrot, Yannick Demmerle, Goliath Dyèvres, Carole Fékété, Douglas Gordon, Claire Morgan, Saint Clair Cemin
Bestes, Bestiaux et Bestioles
Dans ou sur les murs du château, les animaux sont partout présents ou représentés. Que ce soit en ronde-bosse, en peinture ou en photographie, toutes sortes d’espèces sont figurées, inscrites au cœur de l’histoire d’Oiron. Dans ce contexte, l’exposition «Bestes, bestiaux et bestioles» est l’occasion d’enrichir cette ménagerie.
Le recours à des animaux par les artistes contemporains relève de pratiques fort diverses. Qu’il s’agisse de mouches, de scarabées, de cochons, de poissons, de veaux et vaches, de chiens ou de chats, force est de constater que la façon dont est regardée ou jugée l’œuvre varie énormément, suivant le contexte culturel ou social du regard. Cette diversité de présence du monde animal dans l’art contemporain montre que le plus souvent l’animal est pris comme incarnation de valeurs humaines auxquelles il est associé, souvent en fonction de son espèce. Certaines sont douces, d’autres fourbes, agressives, certaines séduisantes d’autres repoussantes. Certaines aussi sont réinventées: il n’y a que dans les parcs d’attraction ou les dessins animés que l’on estime l’ours comme espèce amicale pour l’homme…
De fait quelle que soit l’intention de l’artiste et la manière dont est perçu son travail, les œuvres s’appuyant sur des animaux suscitent le plus souvent des commentaires qui renvoient aussi bien à des questions éthiques, juridiques, émotionnelles voire morales. En somme, un miroir du monde humain.
Les œuvres exposées au château d’Oiron appartiennent à des registres différents les uns des autres. Les animaux évoqués n’appartiennent pas forcément à l’histoire de la représentation artistique du monde animal. Vidéos, installations, dessins, sculptures, tout en montrant la grande liberté des artistes dans les outils qu’ils utilisent, témoignent sur le fond de préoccupations et d’expériences rendant visible la capacité de l’art à se renouveler. Certaines de ses œuvres ont été conçues pour le château, en prenant appui sur son histoire ou sa vie quotidienne.
Ainsi les méduses de Johan Creten complètent-elles les figures des muses du cabinet éponyme. Ces animaux n’ont-elles pas inspirées nombre de mythes et légendes? Le Chiroptoir de Goliath Dyèvre rend perceptible la présence des chauve-souris dans les combles du monument. L’installation de Claire Morgan s’est inspirée à la fois de la découverte d’une chouette morte dans ces combles l’hiver dernier et de la devise choisie par Claude Gouffier. Du lointain territoire de Tasmanie et de sa connaissance du château où il a présenté il y a quelques années des photographies, Yannick Demmerle a imaginé un bestiaire fantastique s’accordant aux traces anciennes et aux récits de la Renaissance. Le singe et l’éléphante de Carole Fékété offrent la vision d’animaux exotiques dont l’imaginaire populaire en a fait des animaux si proches de la condition humaine, tandis que l’installation de Greta Alfaro montre au contraire toute la violence que peuvent inspirer des vautours, et celle de Mircea Cantor la tension qui peut parfois surgir lorsque deux êtres s’approchent, s’observent, se jaugent tels ce loup et cette biche enfermés dans un même espace. Les vidéos de Douglas Gordon offrent la vision d’animaux familiers, semblant vivre leur propre nature, chacun chargé de sens, du paon majestueux aux grenouilles excitées en passant par la sourde inquiétude que les corbeaux noirs distillent, en écho à ceux que l’on trouve dans la plaine oironnaise. Les insectes de Nicolas Darrot offrent, par une anticipation tout autant effrayante, la vision d’un monde de violence et de destruction machinique. Véritables monstres ces insectes renvoient aux films de science-fiction qui décrivent un futur animalesque angoissant. Mais, la nature peut se montrer aussi élégante et raffinée, à l’instar de la sculpture de Saint Clair Cemin, pleinement inscrite dans l’histoire de l’art et du décoratif, rappelant la richesse des cabinets de curiosité de la Renaissance, tel celui qui fut sans doute présent à Oiron autrefois, et qui connaît, au travers de cette exposition originale, une réinterprétation vivante et actuelle, preuve s’il était besoin que ce qui fonde la spécificité du château est d’une richesse inépuisable.