Deux expositions ont lieu parallèlement au sein de la galerie — deux artistes dont les œuvres semblent interroger, non sans ironie, les conditions de la création d’une œuvre d’art, et, partant, du mystère de toute création, entre esbroufe et recueillement, artifice et recherche d’une vérité.
L’exposition « Alias », de Bernard Piffaretti, retrace ainsi dans la présence des toiles divisées en une union indissociable le geste de l’artiste peintre: plus qu’une fausse harmonie ou un déséquilibre, c’est un va-et-vient permanent, une peinture qui dénonce et, dans le même temps, s’énonce œuvre d’art, où le doute et l’affirmation semblent tenir une part égale.
Ne pourrait-ce être le fantasme réalisé d’un « possible » (repeint, repentir) littéralement mis en œuvre, sorte de redite délicieuse et jouissive, qui creuse le doute dans le même temps qu’elle vient accomplir — parachever — la toile?
A l’ « ère de l’œuvre d’art », ne sorte de reproduction mécanique érigée en un système fécond: les toiles sont divisées en leur moitié par un trait de peinture vertical, qui sépare — et rend indistincts — l’original et sa « reproduction », belle infidèle…
Réflexivité créatrice puisque que discrètement iconoclaste, et qui semble aussi aller jusqu’à la démonstration, en actes, de la vanité d’un iconoclasme qui se voudrait radical: la reproduction d’une image, même réfléchie, au second degré, ne pourra jamais être innocente…
Une performance au-delà du miroir: peut-être serait-ce le fil conducteur qui pourrait relier les toiles de Piffaretti et les autoportraits photographiques de Lyle Ashton Harris (New Works: des polaroïds où l’artiste se travestit à l’occasion de mises en scènes). Une beauté du geste et du jeu de la mise en scène qui font, ici encore, la singularité de l’artiste et de ses travaux, et aident à repenser l’inquiétante et fondamentale étrangeté de tout autoportrait comme une « réplique » à jamais infinie.