La rétrospective consacrée à Bernard Buffet par le Musée d’art moderne de la ville de Paris dévoile une centaine de tableaux d’un peintre parmi les plus célèbres du vingtième siècle et cependant peu exposé.
Une œuvre figurative au temps de l’abstraction
Le caractère longtemps controversé de l’œuvre de Bernard Buffet a reporté un projet de rétrospective pourtant né il y a dix ans au sein du Musée d’Art moderne de la ville de Paris, seule institution publique détenant une important collection d’œuvres du peintre. La production prolifique de celui-ci a imposé un choix de tableaux forcément sélectif mais représentatif de la qualité et de la richesse de l’œuvre de Bernard Buffet. L’ensemble de sa carrière est retracé au fil d’un parcours chronologique.
L’exposition débute en resituant les premières œuvres de Bernard Buffet dans le contexte artistique de l’après-guerre. Dès ses prémisses, la démarche créative du peintre se place en opposition avec les tendances de son époque et se nourrit de paradoxes. Alors que le milieu artistique est agité de remises en question du réalisme et de la figuration, Bernard Buffet se consacre à des descriptions de scènes du quotidien parfaitement figuratives, comme en témoignent les toiles L’Atelier, La Ravaudeuse de filets ou encore Le Buveur, réalisées respectivement en 1947, 1948 et 1949. Alors que l’époque est au rejet du sujet, il s’intéresse à la peinture d’histoire.
Un style austère et mélancolique
La contradiction s’impose également entre un style pictural d’une grande sobriété, inspiré par des sujets austères et mélancoliques, et un train de vie aisé. Dès ses débuts, la peinture de Bernard Buffet est caractérisée par un coup de pinceau qui ne changera pas : le contour des motifs sont soulignés d’un trait noir plus ou moins épais, de multiples griffes parsèment souvent la toile en tous sens, dressant les lieux et les personnages par des mouvements vifs qui renforcent leur dureté. Les teintes sont ternes, assombries par une éternelle grisaille.
L’exposition rend compte des thématiques récurrentes dans l’œuvre de Bernard Buffet. Les motifs favoris tels que les natures mortes, les clowns et les autoportraits côtoient ainsi des sujets que le peintre a abordés dans chacune de ses expositions annuelles. Le grand tableau Le Poulpe géant, de la série Vingt mille lieues sous les mers, et L’Enfer de Dante témoignent des inspirations littéraires et celui intitulé La Passion du Christ, des inspirations religieuses et mythologiques, tandis que les tableaux Les Oiseaux, La Mort et Les Folles relèvent de cycles allégoriques. On redécouvre également l’intérêt de Bernard Buffet pour la peinture d’histoire avec la large toile L’Ange de la guerre mais surtout celui pour l’histoire de la peinture, à laquelle il s’est régulièrement confronté. En témoignent les Å“uvres Le Sommeil d’après Courbet, La Leçon d’anatomie d’après Rembrandt et une série revisitant les memento mori médiévaux.