Dans ce mois tumultueux de design, la Galerie Negropontes, à Paris, présente une exposition personnelle de Benjamin Poulanges. Entre la Paris Design Week, qui aura fait fleurir quantité d’expositions, et en prévision du prochain sprint (celui de la FIAC, mi-octobre), « Orage » reflète assez bien l’ambiance qui règne sur la scène parisienne. Une ambiance électrisée, riche en étincelles. Mais l’ « Orage » du céramiste contemporain Benjamin Poulanges prend aussi des formes apaisantes. Tel l’orage venant délivrer de l’écrasante chaleur, Benjamin Poulanges présente de grandes pièces généreusement arrondies. Dans des tons blancs, noirs, du bleu électrique au bleu sombre, les jarres exposées ont une taille peu commune. La pièce Orage 10, par exemple, se déploie sur une hauteur de près de soixante-dix centimètres. Pièces amples, toutes, dans leur singularité, se jouent de la symétrie. Toutes penchent, selon un plan incliné qui les maintient en équilibre.
Exposition « Orage » de Benjamin Poulanges : la céramique et l’oblique
Réunissant un corpus de quinze pièces, « Orage » a la fraîcheur des grandes cavités de terre cuite. Tandis qu’à l’instar des cumulo-nimbus — ces cellules orageuses —, chacune cultive sa propre dynamique. Côté technique, Benjamin Poulanges utilise de l’argile verte de San Sepolcro (Italie). Un matériau valorisé en céramique depuis, au moins, la période Étrusque. Cuite à mille-vingt degrés (une chaleur infernale), la terre cuite devient rouge, pour mieux être recouverte d’un engobe blanc — un fin enduit qui prépare la poterie à recevoir des couleurs. À ces formes obliques, gonflées d’un souffle électrique, Benjamin Poulanges adjoint des couleurs. Dans une tradition picturale se rattachant autant aux noirs profonds de Pierre Soulages qu’à la peinture abstraite et terreuse d’Antoni Tà pies. Travaillant par strates et couches, dans une approche presque géologique, Benjamin Poulanges peint, recuit, puis repeint, jusqu’à la symbiose des couleurs.
De larges jarres en argile de San Sepolcro, peintes dans des tonalités ombrées
Pour la série Orage, Benjamin Poulanges a ainsi procédé à cinq cuissons. Peintures et émaux, mat et satiné, blanc, noir, bleu cobalt… Par brossage ou à grands traits… Les formes colorées y ont la compacité des nuages d’orage. Ces lentes et lourdes formations, qui se déchirent avec rapidité. Travail lent, précis, rigoureux, la série Orage n’en inspire pas moins légèreté et fulgurance. Avec ses traits qui semblent griffer la céramique, par exemple. Telle Orage 06, qui affiche une série de barres barrées, comme un décompte des jours sur les murs d’une prison. Entre approche instinctive, un peu brute, et lente formation maturée, la collection Orage tient ainsi les contraires ensemble. Dans un état de tension que reflète l’oblique de chacune des pièces. Lesquelles avec leurs anses, semblent parfois s’enrouler, en cherchant à s’élever comme des nuages d’orage. Pour une collection de quinze pièces à découvrir à la Galerie Negropontes.