ART | EXPO

Bénin

26 Sep - 02 Jan 2016
Vernissage le 26 Sep 2015

Aurélien Mole ausculte les processus de matérialisation de la forme et de l’image, ce qui lui permet de souligner, en particulier à partir de la photographie, une histoire de la création individuelle qui se déploie en regard d’une histoire des techniques et des institutions. L’exposition Bénin retranscrit ainsi une trajectoire, celle où l’artiste prend le pas sur le chercheur.

Aurélien Mole
Bénin

En conjuguant précision érudite et poétique un peu maniériste, Aurélien Mole cultive une forme de dandysme qui se perçoit jusque dans ses recherches, elles qui oscillent entre références historiques et artistiques. Il donne alors à son travail l’allure d’une œuvre sophistiquée mais juste, car il joue à la perfection de cet infime qui donne aux choses un léger écart avec la littéralité. De là, le titre de sa proposition pour le CAC Passerelle s’insère précisément dans cet entre-deux sémantique, puisque le « Bénin » désigne aussi bien le pays africain que le caractère de ce qui est tolérable.

Quelque part égaré entre nonchalance et désirs d’exotisme, Aurélien Mole interroge l’histoire de l’art et des techniques – de la photographie notamment – en vue de réinvestir la dissociation entre l’artiste et le chercheur. L’exposition présente un film s’appuyant sur les travaux d’Hippolyte Bayard, photographe et inventeur à qui l’on doit la première mise en scène photographique, avec la fameuse « noyade » de 1840. Bayard, employé du ministère des finances, s’employait le temps du déjeuner sur le toit de l’administration où il disposait des statuettes en plâtre sur un fond noir face à une camera obscura, afin d’obtenir des images se détachant en blanc sur un papier noir de son invention. Comme souvent dans les sciences expérimentales au XIXe siècle, l’artiste prend le pas sur le chercheur, les statuettes en plâtre, simples motifs d’une expérience, choisies pour leur blancheur, se multiplient en adoptant des positions insolites et inespérées.

Au final, les images qu’enregistre Bayard décrivent un cabinet de curiosité composé de figures en plâtre, celles-ci ne doivent leur existence qu’à une part d’imprévisibilité que suggère toute recherche expérimentale. Ici, en l’occurrence, une technique de retranscription bidimensionnelle de la réalité permet de bâtir une sorte de musée universel, minimaliste et virtuel. Le film propose alors d’observer en accéléré la course du soleil balayant neuf objets placés sur un fond noir que l’on retrouve dans l’exposition.

Dans la perspective de Bayard, Aurélien Mole questionne les modes d’existence et d’apparition des choses, leur tangibilité dans la représentation ainsi que leur production. En cela, l’artiste ausculte la réalité d’une modernité contemporaine. En effet, dans son étude des procédés de représentation et de fabrication à travers des logiques sérielles, surgissent des questionnements relatifs aux notions de copie et d’original, de fac-similé, de délégation du geste de l’artiste et d’artisanat, c’est-à-dire un ensemble de motifs exemplifiant les avatars de la modernité artistique. Pour autant, en employant des techniques et des outils qui suggèrent les dispositifs numériques, à l’image de l’imprimante 3D ou des processus de diffusion viraux, le projet se prolonge inéluctablement dans notre contemporanéité.

La scénographie mise en place poursuit cette logique citationnelle et critique. L’artiste choisit à dessein d’investir le Quai, espace emblématique d’un lieu désormais dévolu à l’art contemporain et qui porte les stigmates de son passé industriel; le bâtiment se dresse désormais fièrement à l’encontre du sacrosaint cube blanc. Aurélien Mole l’obstrue en façade par un imposant rideau de scène pour y apposer une scénographie muséale amalgamant l’univers du théâtre, des dispositifs d’escamotage visuel et des codes de l’accrochage moderne. Les tablettes de présentation qui viennent niveler l’espace dans une perspective toute moderne, à la fois élégante et implacable, font référence à l’illustre galerie 291 de New York. Fondée par Alfred Stieglitz et Edward Steichen, de grands maîtres européens se côtoyaient dans la première moitié du vingtième siècle. Outre Matisse, Rodin, Brancusi ou Duchamp, pour ne citer qu’eux, des curiosités archéologiques et ethnologiques étaient également présentées. La galerie 291 fut aussi reconnue pour être l’un des premiers lieux de reconnaissance artistique de la photographie. L’exposition Bénin que présente Aurélien Mole synthétise ses préoccupations pour une histoire de la construction des formes et des images, construction qui se veut aussi individuelle qu’institutionnelle, ce qui ne peut que mettre en relief les pratiques curatoriales de l’artiste.

Vernissage
26 septembre

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