Angelo Filomeno
Because the World is Cruel
Pour la troisième exposition personnelle d’Angelo Filomeno, artiste italien basé à New York, la galerie Anne de Villepoix présente de nouvelles peintures en soie brodée ainsi qu’une installation sculpturale en cristaux, métal et bois.
D’une virtuosité et d’une opulence proche du néo-baroque, l’art de Filomeno allie le savoir-faire des artisans brodeurs des Pouilles, son univers familial, et un univers psychique et poétique extrêmement singulier.
Par son esthétisme d’une violence précieuse et élégante, le geste d’orfèvre de Filomeno brode un monde fantastique et macabre, parsemé d’emblèmes intemporels. Ainsi, squelettes, balais et arbres ciselés marquent des paysages hantés d’un raffinement extrême. Ils tissent un imaginaire sans fin, riche d’allégories de la vie et de la mort.
Filomeno le dit lui-même, il explore le côté obscur de la psyché universelle… tout en puisant son symbolisme dans les théories de Jung sur l’inconscient collectif.
Il ne renie d’ailleurs ni ses influences, ni ses maîtres. En même temps, il ne se pose aucunement en moralisateur ou en psychologue de notre société. Affirmant nouvellement la nécessité d’une maîtrise technique, il pousse la soie à l’extrême de sa matérialité et à la mesure de son ambition picturale, héritière du post-modernisme : se tisse alors une narration inouïe de l’imaginaire, provocante et débarrassée de complexe. Le beau se trame avec la mort, l’œuvre est d’une étrangeté attirante et repoussante.
Les peintures exposées cette fois à la galerie Anne de Villepoix donnent à voir des paysages d’une exquise subtilité allant de la féerie silencieuse (Haunted Land: Almond and Olive Tree) au grotesque (Haunted Land: Melting Brain with a Cliff).
Enfin, c’est ici l’occasion pour Filomeno de jouer encore sur l’imagerie du balai après la grande peinture My love sings when the flower is near de la Biennale de Venise. Rappelons-le, l’artiste, par un humour incisif, cassait alors élégamment la romance somptueuse d’un panorama nocturne de Los Angeles avec des squelettes de philosophe et de femme en vol délirant sur un balai magique.
La nuit – coffre à bijoux ornée de strasse ou boîte de Pandore – éblouit et fascine par son fantastique tout en libérant ses maux… Ainsi aujourd’hui, l’artiste investit également l’espace avec une saisissante installation d’un balais de 3 mètres de long, réalisé en métal et cristaux : posé sur une table dont la surface est en miroir, l’objet dialogue avec une cinquantaine de balais composés de branches assemblées, suspendues.
Ces derniers, fabriqués par les habitants d’Ostuni, la ville natale de Filomeno, indiquent encore une fois les va-et-vient incessants de l’artiste entre le monde fascinant de son savoir-faire et son histoire personnelle.
critique
Because The World Is Cruel