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Beaux Arts n°224

À la une du très complet mensuel des arts : la BD à l’honneur, une enquête sur la décentralisation culturelle, un dossier sur la vidéo, un entretien avec la designer Andrée Putman, des articles sur les artistes Franck Scurti, Arnaud Labelle-Rojoux, Roberto Matta…

— Directeur de la rédaction : Fabrice Bousteau
— Éditeur : Beaux Arts magazine, Paris
— Parution : janvier 2003
— Format : 28,50 x 22 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 144
— Langue : français
— ISSN : 0757 2271
— Prix : 5,95 €

Édito : vœux en pleine mire
par Fabrice Bousteau

0n appelle cela un leurre. Si le rapport que Blandine Kriegel a remis au nouveau ministre de la Culture en novembre dernier à propos de la violence à la télévision a déçu et suscité la raillerie du fait de l’incohérence de ses propositions, il a cependant servi. Cette communication très médiatisée a eu une vertu majeure : permettre à Jean-Jacques Aillagon d’ouvrir un débat inédit sur la responsabilité de l’État face à la débilité télévisuelle. En 2003 et depuis à peine une vingtaine d’années, la télévision est devenue le principal médium de diffusion des idées, des comportements, de la culture, du beau, du laid, du vrai, du faux, du juste et de l’injuste. Aillagon, ce ministre au budget amputé comme jamais depuis vingt ans, sait que la culture, qu’il adore et à laquelle il attribue par expérience des vertus humanistes, doit avant tout exister à la télévision. Le reste n’est presque qu’évidence ou technique tant le ministère de la Culture est aujourd’hui une administration bloquée qui n’en finit pas de s’interroger sur son rôle, ses missions et son mode de fonctionnement. Jean-Jacques Aillagon est peut-être le premier ministre de la Culture dont la réforme prioritaire se concentre sur le « télé culturel ». Accepter l’exclusion de la culture à la télé c’est la marginaliser et la réserver à une élite. C’est surtout accepter de condamner tout un peuple à avoir le débile et l’ennui pour mode de vie.

« Fumer provoque des maladies graves », lit-on sur les paquets de cigarettes. « Regarder la télévision lobotomise » pourrait être un slogan nécessaire. Au-delà de la caution d’Arte, de la Cinq, de Paris-Première et de quelques émissions de France Télévisions et de TF1, la télévision fait insidieusement mais terriblement mal. Disposant, malgré les promesses du candidat Chirac, d’une marge d’action très limitée pour mener sa politique du fait de la faiblesse de son budget, Aillagon tente de réformer le ministère de la Culture en le déplaçant. Pas seulement à la télévision mais dans la société. Car, après Blandine Kriegel, la philosophe Catherine Clément a remis au ministre en décembre un rapport consacré à la place de la culture à France Télévisions, qui propose notamment « l’inscription du service public de l’audiovisuel dans le préambule de la Constitution, au même rang, à la même dignité que l’Éducation nationale ». Une proposition qui a peu de chance d’être mise en Å“uvre mais qui entretient le débat sur les missions du service public audiovisuel.

L’enjeu est colossal. Mais Aillagon a-t-il vraiment les moyens d’agir ? Rapports et débats ne sont-ils qu’une stratégie de communication pour occuper le terrain ? Le ministre ne pourra réussir ce combat et tous les autres, notamment la réforme annoncée et combien nécessaire de la loi sur le mécénat, sans un engagement fort du président de la République. La baisse du budget du ministère de la Culture démontre que l’on peut en douter. Face aux nombreuses fractures de la société française, la fracture culturelle est la plus grave. Ne faisons pas de la culture un divertissement de plus.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Beaux Arts magazine)

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