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Beaux Arts magazine n° 252

Le mois de juin ouvrant la Biennale de Venise, Beaux Arts fait le point sur les pays et les artistes invités. Une démarche similaire avec l’art africain, très en vogue en ce moment, qui fait l’objet d’une enquête : effet de mode ou sorti de ghetto ? Et des portraits de Stéphane Calais, Mrzyk & Moriceau, un portfolio Viktor & Rolf…

— Directeur de la rédaction : Fabrice Bousteau
— Éditeur : Beaux Arts magazine, Paris
— Parution : juin 2005
— Format : 22 x 28,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 146
— Langue : français
— ISSN : 0757 2271
— Prix : 6,30 €

Éditorial
par Fabrice Bousteau

L’information est devenue une œuvre d’art contemporain. Aujourd’hui, de plus en plus d’artistes réalisent des analyses économiques, sociales ou politiques qu’ils présentent dans des expositions sous la forme d’installations, de films, de vidéos, de dessins et même de peintures. De Payam Sharifi, qui édite en papier journal noir et blanc un troublant livre de reportages sur la vie en Iran, aux Neistat Brothers, qui diffusent sur le Net des clips pour dénoncer Apple dont les iPod ne fondionnent plus après trois ans d’utilisation, ces artistes créent des actions et des objets mélangeant les codes du journalisme d’investigation aux formes plastiques.
Pourquoi ? D’abord parce que, en France comme à l’étranger, les médias — des chaînes de télévision aux journaux — sont de plus en plus soupçonnés, et même accusés, de diffuser des informations «intéressées», c’est-à-dire nées, générées par des intérêts économiques (la pub) ou politiques.
Ensuite parce que la multiplication des médias et des types d’information conduit de plus en plus chacun d’entre nous, au mieux, à douter de ce que l’on lit, voit et entend, au pire, à considérer tout cela comme une sorte de fiction. Transformée en œuvre d’art contemporain, l’information bénéficie d’un médium de diffusion — le musée, le centre d’art — qui lui garantit d’être reçue par une population plus attentive, critique et réactive qu’aucune autre. Car, que l’on aime ou pas le travail de tel ou tel artiste, le visiteur d’une exposition va, en majorité, regarder, analyser, critiquer ce qu’on lui présente. Il en prend le temps et en a le désir. Nous sommes attentifs aux artistes parce que nous leur accordons a priori notre confiance.

En France, la campagne pour le référendum révéla la défiance de tous face à l’information. Des nombreuses associations qui protestaient contre «la propagande médiatique en faveur du oui» au CSA qui demandait début mai aux chaînes de télévision de «rééquilibrer les temps d’antenne» au profit du non, l’information fut rarement autant remise en question. Où s’informer ? Que et qui croire ? Les musées seront-ils demain considérés comme les seuls médias «vrais» ?
La situation est d’autant plus troublante que certaines informations réelles ressemblent fort à de la fiction. Quand on lit dans Courrier international n° 750 (qui cite le Frankfurter Allgemeine Zeitung) que l’on peut chasser l’antilope en se connectant sur www.live-shot.com et, en appuyant sur une touche de son ordinateur, déclencher un fusil qui tire une balle réelle dans un ranch privé au Texas, on a du mal à croire à cette information pourtant vraie. Et quand www.afterlifetelegrams.com propose de transmettre, pour cinq dollars le mot, des messages à des disparus en les confiant à des malades en phase terminale, on croit à l’œuvre (macabre) d’un artiste provocateur. Entre l’œuvree d’art informative et l’information quasi-œuvre d’art, ce que nous devons pratiquer avant tout, c’est l’attention.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Beaux Arts magazine — Tous droits réservés)

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