« Un morceau d’espace sorti de l’espace infini mis dans une enveloppe matérielle », c’est ainsi que Bruno Zexi définit le bâtiment dans son ouvrage Apprendre à voir l’architecture. Et c’est comme cela qu’il faut comprendre l’installation de l’artiste madrilène Ana Laura Alaez. En effet, elle donne vie, matériellement, à un espace à part, à une enveloppe architecturale où se développe sa proposition esthétique : une pièce en forme d’étoile; des murs aux couleurs lilas, saumon, violet; des vitres et des miroirs en constituent le cadre.
Un dispositif où ce qui brille (le glitter) et ce qui construit (la civilisation, la culture, l’artifice, les formes géométriques) font armes égales avec le donné brut (l’identité, la nature, le corps).
Le miroir est emblématique de cette entreprise esthétique. Il est ce réflecteur de la nature mais également ce moyen de parader, d’observer le résultat du make-up, du Beauty Cabinet Prototype.
Car, comme le souligne le titre de l’exposition, et non sans rappeler l’activité et la démarche de Fabrice Hybert avec ses P.O.F. (Prototype d’Objet en Fonctionnement), Ana Laura Alaez met son installation et les produits Shiseido, marque marraine de l’exposition et dont Ana Laura Alaez dit s’être inspirée, à la disposition des visiteurs. Chaque jour, les médiateurs invitent le public à tester les produits.
À côté de ces produits, une bouche démesurément grande en métal (Metal Mouth) et des sculptures de résines (Puntitas) imitant la forme (phallique) du tube de rouge à lèvres disent l’omniprésence du maquillage comme artifice de la beauté sensuelle, voire sexuelle.
Une vidéo, dont le refrain musical est « Your make-up avoids all meanings » (Ton maquillage annihile toute signification), complète l’ensemble. L’esthétique du clip dégage une impression de syncopé, de synthétique et d’artificiel, accentuée par l’éclairage rose des néons de l’installation. Dans ce Cabinet de Beauté, loin du boudoir ou du cocon, l’apparence et la posture, la seconde peau, sont signes de reconnaissance.
Bien sûr, les orientations esthétiques et idéologiques de cette œuvre ne sont pas nouvelles : le débat Nature/Culture, Identité/Superficialité, et le rapport au marché et à la société de consommation étaient déjà présents en 1997 dans l’installation She Astronauts, à la Fundaciòn Caixa de Barcelone que l’artiste transformait en boutique de vêtements de mode. Mais la confrontation avec l’exposition collective « Hardcore, vers un nouvel activisme » est l’occasion de s’apercevoir de la diversité des terrains de réflexion des artistes contemporains.
Ana Laura Alaez
— Beauty Cabinet Prototype, 2002. Matériaux divers. 8 x 8 x 3,10 m. Cesar Rey pour la réalisation architecturale.
— Puntitas, 2002. Résine, 25 éléments.
— Metal Mouth, 2002. Métal argenté.
— Superficialité, 2003. Vidéo, 6’20. Musique : Silvania, voix : Ana Laura Alaez.