Beat Streuli a étudié la peinture dans les écoles d’art de Zürich et de Bâle, mais c’est la photographie qu’il pratique. Ses premières images de rues datent de 1988 et ont donné lieu à un double livre, Rome-Paris. On le rapproche de photographes américains comme Walker Evans ou Robert Frank. Mais l’artiste cite plus volontiers Godard.
La galerie Anne de Villepoix présente des œuvres récentes de Streuli, non seulement des photographies, mais aussi des diapositives et des vidéos. Beat Streuli réalise souvent ses photographies au téléobjectif, à une distance de dix ou quinze mètres des passants. «Je suis entre le touriste et le photographe professionnel». Un passant pas tout à fait ordinaire dans le quotidien de la foule. «Il y a des millions de gens que l’on ne touche que du regard, que l’on croise, qu’il est captivant de regarder pendant deux secondes, avec qui on a envie de partager un peu. Ces regards s’accumulent dans notre mémoire. Je veux les restituer en approchant au plus près la structure du regard du passant» (Beat Streuli cité par Michel Guerrin, Le Monde, 21 janv. 2002). Ces visages que l’on croise, ces silhouettes que l’on frôle parfois, ces corps dans leurs pensées, dans l’anonymat de la foule, finalement, on boit du monde.
Avec George Street Bus Stop 01-23-01 (janv. 2001), Beat Streuli propose deux vidéos diffusées simultanément sur moniteurs. Derrière un bruit assourdissant de circulation routière, l’image nous livre un ralenti de piétons. Puis le son est coupé. Des personnes marchent, montent dans le bus, passent. Des visages observent, attendent, quelque chose, quelqu’un. Des corps écoutent une musique, écouteurs dans les oreilles. Et derrière, les voitures passent.
Sydney 2001 (Cars) est la projection grand format de deux séries de diapositives sur le mur, là aussi simultanément. Dans un fondu enchaîné au tempo assez lent, des visages défilent dans leurs voitures, flous ou obscurs à travers la vitre. Cela se passe d’un visage à un autre. Puis des passants dans la rue, de trois quarts, de face, en buste. Parfois une même scène sur les deux diapositives conjointes, saisie en des espaces-temps différents.
Lorsque Beat Streuli travaille le quotidien de l’humain dans la ville, il le fait également en dehors des lieux d’exposition traditionnels. L’artiste aime placer l’humain de ville sur des panneaux publicitaires, mettre un visage dans un abribus (comme à Sydney ou Enghien-les-Bains), ou le déployer sur une affiche géante. Beat Streuli transforme en quelque sorte les visages de la ville en «archive», il fait des yeux des rues et de leurs corps un regard de l’urbanité.
Beat Streuli
— Sydney, 2002. Série de photo couleur. 151 x 201 cm.
— Sydney Bus Stops, 2002. Série d’impressions jet d’encre. 32 x 44 cm.
— George Street Bus Stops 01-23-01, 2001. Deux vidéos sur moniteurs.
— Sydney Cars 02, 2002. Projection diapositives 2 écrans, 170 diapositives, 400 x 600 cm chaque, 18 min.