La soirée s’ouvre avec Sacre. En parallèle de Cassette, une relecture de Casse-Noisette qui débordait de toute part pour souligner la joie du ballet, David Wampach s’empare de l’Å“uvre de Stravinsky , choisit d’en extraire l’essence et compose un parfum ultra concentré.
David Wampach et Tamar Shelef partage le plateau, son sol et ses murs. Ils donnent à voir un état d’enivrement brut, fait de respirations haletantes, d’essoufflements, de râles.
Occupés à visiter les différentes surfaces, ils n’hésitent pas déplacer les appuis communément utilisés et à pousser l’ivresse jusqu’à ses retranchements, à mettre en tensions les rapports d’espace. Lorsqu’ils dévorent un pâte verte indéterminée et transperce le totem dressé devant nous, ils amènent la pièce tout près des souhaits de Stravinsky et de sa vision «d’un grand rite sacral païen», sans qu’il soit besoin de sacrifier une jeune fille.
Après la recherche formelle et essentielle de Sacre, les spectateurs sont conduits devant Battement, une pièce pour trois danseurs – Aniol Busquets, Clémence Gaillard et Valeria Giuga – initiée pendant le SKITE 2008 de Jean-Marc Adolphe.
Pendant 25 minutes, les trois interprètes mettent en place une variation drôle et très écrite autour du mouvement classique du «grand battement», tissant entre eux un lien tout à la fois évident et instable. Vient ensuite un duo entre David Wampach et le batteur Jérôme Renault, membre — entre autres choses — du Welter Quartet. Chacun au centre d’un carré dont ils échappent parfois, chacun vêtu d’un t-shirt de mousse à raser, les deux protagonistes sont délimités mais pas enfermés, déterminé sans être sommé de se définir.
Le battement des membres accueillent les percussions tandis qu’elles semblent entrer en vibration avec le flux développée par le corps du danseur. Ce soir là , la rencontre était au rendez-vous et la décharge énergétique équilibrée et partagée. Une collaboration initiée par le festival Artdanthé entre le musicien-performeur Nosfell et le chorégraphe ferme la soirée. Clémence Gaillard et Nosfell s’y entremêlent une vingtaine de minutes. Nous les découvrons au sol dans les lumières de Julien Bony. Leurs longs membres et leurs imposantes chevelures factices les lient l’un tout contre l’autre, annulant toute représentation genrée du corps dans un dialogue qui glisse lentement des corps jusqu’à la voix, convoquant au passage la vision d’êtres humains hybrides et intimement attachés.
Il faut noter une certaine audace à exposer plusieurs de ses créations dans une même soirée, laisser apparaître ses motifs, ses obsessions, ses redites ou ses contradictions.
A Vanves, David Wampach a relevé le défi et donné à voir le sillon qu’il creuse pièce après pièce, toujours attentif à l’entre-deux des interprètes, du plateau et de la salle, de la dérision et du sérieux. A suivre…