L’exposition « Baseland : le paysage, les motos, les chiens… » est consacrée à l’agence parisienne de paysagistes, Base, fondée par de jeunes diplômés de l’École nationale du paysage de Versailles.
À contre courant des artistes qui plagient ou exténuent les codes, langages et réalités du monde de l’entreprise, Base se veut pleinement, dans son organigramme comme dans son fonctionnement, une « start up du paysage ». Cette position est affichée à l’entrée de l’exposition à la manière d’un manifeste qui aurait mué en règlement d’entreprise.
À l’extérieur, deux maquettes de tours de refroidissement de centrale nucléaire, étincelantes de blancheur, posées à terre, fonctionnent comme des portes d’entrée de l’exposition. Révélateurs d’échelle et symboles de puissance nationale, elles convoquent des sentiments mêlés d’une certaine familiarité (en tant qu’éléments du territoire français) et de sourde inquiétude face au risque nucléaire.
Aux alentours des tours, une centaine de maquettes oranges de pavillons individuels forment un contraste saisissant avec le vert de l’herbe et le blanc laqué des tours.
Le propos de l’exposition est ainsi posé : « Notre beau paysage de France n’est plus composé de campagnes, de forets, de villes et de champs : il s’est métamorphosé en un gigantesque parc paysager urbain pour middle class, tapissé de lotissements pavillonnaires, de centres commerciaux, de stades de foot, de parcs de loisir et de zones d’activité » .
À l’intérieur, une maquette de supermarché en bois laqué est posée sur une moquette reproduisant des lignes de parking. Un hit commercial est automatiquement enclenché à chaque fois qu’un visiteur entre.
Une autre salle est composée d’un paysage canin : des arbres, des oiseaux en cage, un véritable chien et un prototype de niche dans le style Le Corbusier — avec fenêtres, mezzanine et terrasse. Dans une salle jungle, une fresque de végétation tropicale court sur les murs tandis que le sol est recouvert de moquette vert chlorophylle. Grâce à un sound system posé dans cette salle le jour du vernissage, donnait à l’événement des allures de free party en studio…
Base superpose les échelles et conjugue les fonctionnalités jusqu’à l’absurde : une tour de refroidissement fait office de barbecue le jour du vernissage, puis sert de guichet ou de borne d’accueil pour une entreprise; une maquette de supermarché sert de sofa tandis que la niche du chien ressemble étrangement à une architecture humaine.
Ce ton provocant est à l’image des chantiers que réalise la SARL Base et qui sont présentés par les maquettes, plans et notices.
Pour le Familistère de Guise (Aisne), construit à l’heure des utopies sociales du XIXe siècle par Charles Godin pour loger les employés de son usine de poêles, Base propose un jardin utopique dans lequel les visiteurs et les habitants sont conviés à s’impliquer. L’ancien site minier de Wallers-Arenberg (Nord) est converti en parc de loisirs mécaniques alliant circuits de démonstration, relais pédagogiques pour la sécurité routière et ateliers de construction.
Dans le paysage sont sédimentées des pratiques et activités humaines, des réalités historiques et sociologiques. Il est une production indistinctement collective et individuelle comme la mosaïque Mabrouk formée de mille mini-jardins de 15 x 15 cm construits par mille participants différents dans des boîtes en plastique. Chacun a réalisé dans sa boîte un jardin doté d’une couleur définie. L’assemblage des mille boîtes forme, en mosaïque, le portrait d’apparence pixellisée du célèbre chien Mabrouk, héros de l’émission de télévision Trente millions d’amis.
Animal domestique, ami de l’homme, mais aussi chien de garde et de défense, Mabrouk symbolise la nature sauvage domestiquée. C’est aussi une icône de la culture populaire, l’une des figures majeures des canevas qui ornent les salons français. Dans l’exposition, Mabrouk est une œuvre collective et anonyme, à la manière du paysage.
L’exposition a l’ambition de proposer une réflexion sur le paysage à partir de la notion de « jardin tout-terrain ». Nature sauvage et territoire d’aventure, le « jardin tout-terrain » veut restituer un rapport immédiat à la nature : un rapport ludique et initiatique à la fois, mâtiné de respect face à des éléments imprévisibles et toujours souverains.
Enfin l’exposition a le mérite de composer un véritable environnement. Même le terrain de football qui jouxte la Ferme du Buisson est mis à contribution pour les lignes topographiques que dessine la surface de jeu. Barbecue, foot, jardinage et aventure : Base a extrait des condensés de nature pour sa gigantesque installation paysagère.
Si l’entreprise est une maquette du monde contemporain, le paysage contemporain est une maquette du territoire dans ses acceptions sociologiques et humaines.
— Mabrouk, 2003. 1000 mini jardins (15 x 15 cm), structure en bastaing. 7 X 5 m.
— Sans titre. Maquette de supermarché en bois laqué avec lignes de parking et mécanisme musical alternatif.
— Jardin tout terrain, 2003. Maquette du jardin du Familistère de Guise, maquette du complexe sportif de Combourg, maquette du site minier de Wallers-Arenberg.
— Caracas. Photo, plans et textes.
— Fin de la civilisation. Photos (6 x 40 cm), photomontages 60 x 80 cm.
— Sans titre. Maquette de pavillons et de barres HLM.
— Paysage canin. Prototype de niche corbuséenne en tripli, volière.
— Topo foot. Terrain de foot et peinture pour gazon.
— Gîtes ruraux en Seine-et-Marne. 2 structures d’échafaudage. 7 x 4 m.
— Sans titre. 130 maquettes de pavillon en résine. h : 2 m, Ø 1,5 m.
— Tours de refroidissement. 2 maquettes en acier peint.
— Sans titre. Canard à bascule, bois. 2 x 3 m.