Communiqué de presse
Barbara Puthomme
Barbara Puthomme
« Moi, comme les chiens, j’éprouve le besoin de l’infini… Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin ! je suis fils de l’homme et de la femme, d’après ce qu’on m’a dit. Ca m’étonne… Je croyais être davantage ! Au reste que m’importe d’où je viens ? Moi, si cela avait pu dépendre de ma volonté, j’aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la cruauté reconnue : je ne serais pas si méchant. » Lautréamont. Les chants de Maldoror.
L’oiseau est à l’origine et marque de sa nature aérienne et animale l’ensemble de mon bestiaire. Assez vite je glisse vers d’autres formes d’animalité. Je construis un bestiaire qui donne un côté aérien à des animaux plutôt « terrestres », comme le cerf ou le cheval. Ces mammifères de plumes révèlent, à travers leur immatérialité (rendue par la plume), la source spirituelle que l’on peut retrouver dans l’animal.
Parallèlement ce glissement dans les formes s’accompagne d’un glissement conceptuel. L’oiseau qui représentait une dynamique de dépassement de la condition d’être terrestre de l’humain fait place à une dynamique de « régression » vers l’animal, et vers l’origine en général.
Ce que je perçois alors dans l’animal, c’est son « vouloir vivre ». Là je retrouve Lautréamont et Les chants de Maldoror. L’animalité est envisagée comme un possible retour à l’origine refoulée de l’humanité. La figure animale devient ainsi une sorte de noyau de mémoire capable de réactiver la part d’animalité de l’humain précisément sacrifiée dans et par le devenir homme de l’humain. L’humain doit quitter la bête en lui pour devenir homme.
Un autre glissement se profile alors. Les formes animales tendent à disparaître sous la plume qui subsume toutes les formes possibles de l’animal, et en est le concept. On peut alors observer le glissement de représentations d’animaux à des représentations de paysages puis à des formes abstraites. Le matériau plume est la mémoire de l’animal et plus largement du vivant. Il représente notre part perdue, celle que je ramasse, littéralement, ré-insufflant, à travers elle, de l’énergie vitale. Et, sa « matérialité sans matière », son caractère éphémère, renvoient à la vie originelle, instinctuelle mais également à la vie spirituelle.
Elle fait signe aussi vers la mort. La plume est ce qui reste de l’oiseau et son caractère éphémère implique, soit un processus de décomposition, soit un processus de conservation. C’est plutôt sur le second que se situe mon travail et que je compose ainsi des reliques. Celles-ci confèrent aux objets un statut d’élection et tendent à mettre en valeur l’aspect précieux. L’animal, à travers la plume, devient alors une pièce d’orfèvrerie qui tient du passé et s’impose au présent. Barbara Puthomme.
Reliques et reliquaires
Le travail de Barbara Puthomme tient une place singulière dans les nouvelles mouvances de l’art contemporain. Déjà montré dans plusieurs expositions en France, il étonne par son originalité. Tout d’abord par la présence de matériau peu utilisé comme la plume. Si la référence en la matière peut être Rebecca Horn, ici ce sont la profusion et l’exclusive qui s’imposent. Barbara Puthomme fait des paysages de plumes. Ceux-ci sont ici présentés sous la forme de miniatures, mais aussi dans un format plus imposant comme le paysage noir.
La disposition dans des boîtes transparentes isole le paysage en lui conférant une certaine préciosité. En même temps la nature de cadre, souvent fait de boîtes détournées de leur usage, renvoie à une certaine fragilité. La plume elle-même relève de ce même détournement.
Barbara Puthomme nomme ces objets des reliques. C’est dans le sens de la retenue de ce qui passe qu’il faut comprendre cette production. Cela devient presque littéral quand sont présentés non plus des paysages mais des objets, toujours de plumes, comme la croix ou ce qui pourrait s’apparenter à des parures primitives. La question devient que sont ces reliques sinon celles de ce dont on s’éloigne, c’est-à -dire le temps du sens. On verra donc dans le travail de Barbara Puthomme comme une tentative d’isoler, sous forme allégorique, les traces de ce dont sont faits les rêves.