A voir la peinture de Christian Ward, on se pose la question de ses origines. Est-on face à des monticules de chairs colorées? est-on entré dans une caverne à plusieurs voies d’où s’échapperaient de puissants rets lumineux? sommes-nous les témoins d’une endoscopie curieuse, entre organes turgescents et paysages surréalistes?
Difficile chez lui de discerner une réalité quelconque tant il trompe les repères rationnels et brise le lien avec le connu.
Le genre est pourtant rebattu. Il s’agit bien de paysage, Christian Ward ne parle que de paysage. Dans Balanced Rock, il en livre une version déjà esquissée lors de précédents travaux et, semble-t-il, resserre encore plus son vocabulaire de signes.
La peinture de Christian Ward hérite d’influences mélangées. On pourrait tout aussi bien l’associer à celle de Ed Paschke dans sa relation à la couleur psychédélique qu’à l’univers du comics américain des années 70, Shelton et le monde un peu dingue de ses Freak Brothers par exemple.
Christian Ward, c’est aussi un contact plus doux avec la toile et ces sujets. Ses paysages, que l’on pourrait qualifier de panoptiques, sont à puiser chez Patinir et Dürer, les pionniers en la matière. Mais la dette la plus évidente est à aller chercher au Japon. Le Japon ancestral, celui des estampes de Hokusai et de Hiroshige, les mêmes qui ont mis en place le «Bokashi», ce dégradé de couleur que l’on retrouve sur les minéraux de Christian Ward. Et le Japon contemporain, nourri de cette riche histoire, celui de Miyazaki entre autres. C’est d’ailleurs en revenant d’une des îles de l’archipel nippon où l’auteur de La Princesse Mononoke avait puisé son inspiration que Christian Ward a composé en partie cette série des Cave Paintings.
Et que voit-on sur ces toiles? Des cavités immenses qui se perdent dans les reflets liquides, des couleurs chatoyantes épousant les reliefs galbés de la matière. Des voûtes obscures, des souterrains aveugles et d’autres qui filent vers une lumière surnaturelle, presque mystique. Rien n’inspire la crainte claustrophobe car chaque tableau offre la possibilité, si maigre ou si étrange soit-elle, d’échapper à l’emprise de la pierre ou de cette densité organique difficile à définir.
Humidité caverneuse d’un côté, terre sablonneuse ailleurs. Contrairement aux Cave Paintings, la toile Meeting House (2010) élargit l’espace à une topographie plane dans laquelle évolue des habitations ou des figures totémiques repérées dans les dessins qui accompagnent l’exposition. Là aussi, Miyazaki n’est pas très loin.
Changement d’atmosphère donc et pourtant la forte «territorialisation» des Cave déteint fortement sur ce paysage géométrique suffocant à son tour de couleurs, de matières, de segmentation agressive. Comme une sortie timide en dehors de la grotte.
On a connu un Christian Ward plus aventureux, à la recherche d’une illusion ou d’une sensation de paysage. On le retrouve dans une peinture qui se recentre sur la matière et sur le remplissage. Comme si le paysage se refermait sur lui-même. Le motif de la caverne est à ce titre exemplaire.
Et c’est exactement ce que l’on pourrait reprocher à cette exposition: le fait de s’enfermer sur elle-même.
Liste des oeuvres
—Â Christian Ward, Desert Hole 2 (second version),
2007. Huile sur toile. 199 x 250, 4 cm
—Â Christian Ward, Meeting House, 2010. Huile sur toile. 201 x 276 cm
—Â Christian Ward, Balanced Rock, 2010. Huile sur toile. 206 x 249,7 cm
—Â Christian Ward, Cave Tower 2, 2010. Huile sur toile. 125,9 x 108,8 cm
— Christian Ward, Untitled (Rock totems), 2009. Encre sur papier. 20,5 x 29,5 cm
— Christian Ward, Icons, 2010. Huile sur toile. 27 x 35 cm