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Balanced Rock

13 Mar - 24 Avr 2010
Vernissage le 13 Mar 2010

Après un voyage sur l’île de Yakushima, Christian Ward entame la série des Cave Paintings, ces peintures de grottes dans lesquelles il invente et explore les cavités d’où jaillissent les cascades de ses grandes compositions. En plus de ces toiles, il présentera également une large sélection de dessins.

Christian Ward
Balanced Rock

En 1998, à l’Ecole des beaux-arts de Winchester où nous nous sommes rencontrés, Christian Ward avait entrepris une série de paysages désertiques composés à partir de photographies, mais surtout de très nombreux croquis/dessins, réalisés lors d’un voyage en autostop à travers le Parc national des Arches dans le désert de l’Utah.

Un an plus tard, pendant l’accrochage de notre Degree Show/exposition de fin d’études, je me souviens lui avoir reproché vivement l’usage d’un jaune si acide qu’il m’empêchait presque de regarder la toile en face. Il me répondit simplement, «et tu penses que ça fait quoi la réverbération du soleil sur le sable ?». Le jaune de Christian n’avait rien de naturaliste, mais son expérience du paysage était restituée. Ce jour-là, j’ai eu l’impression de comprendre la peinture un peu mieux. C’était une chose très simple (évidente même, si je m’étais intéressé à Cézanne un peu plus qu’à Schwitters) mais que je n’avais jamais précisément réalisée.

De 1999 à 2002, Christian étudie à Londres, à la prestigieuse Royal Academy of Arts. C’est là qu’il entame les séries de peintures qui le feront rapidement connaître sur la scène londonienne puis internationale. Pourtant, à l’exception d’une exposition collective au Consortium à Dijon en 2006 et de quelques expositions que j’ai moi-même organisées, son travail n’est guère visible en France ; en cela il ne fait pas exception, les œuvres de Chris Offili, Tomma Abst ou Peter Peri, ne le sont pas plus. Il y a visiblement des peintures que l’on juge bon de n’exposer qu’avec de la peinture ; quelle drôle d’idée.

Sur des très grands formats horizontaux sont représentés de vastes paysages imaginaires, franchement psychédéliques, dont la construction par étagement de plans successifs renvoie ouvertement à la peinture sino-japonaise. Ses propres origines japonaises, tout comme le grand intérêt qu’il porte à la peinture impressionniste, l’ont très vite familiarisé avec ce pan de l’histoire de l’art que l’occidentalocentriste régnant continue de considérer trop souvent comme une simple curiosité.

Après un voyage sur l’île de Yakushima, dont la végétation luxuriante a servi de modèle à Hayao Miyasaki pour la forêt de Princesse Mononoke, Christian Ward entame la série des Cave Paintings, ces peintures de grottes dans lesquelles il invente et explore les cavités d’où jaillissent les cascades de ses grandes compositions.

La particularité de la peinture de Christian Ward tient à l’intrication des motifs et des procédés picturaux. La brume et les mousses qui se confondent souvent sont tamponnées avec une brosse à poils durs. Plus remarquables, les dégradés de couleurs des rochers, des plans d’eau et des cascades sont préparés sur la palette et réalisés d’un seul coup de brosse. Tandis que les sillons concentriques que laissent les poils dans la peinture à l’huile évoquent inévitablement le ratissage des jardins Zen, la technique rappelle certaines œuvres de Bernard Frize autant que le fameux précepte chinois de l’Unique trait de pinceau qui n’autorise aucun repentir.

À l’intérieur des grottes, ces dégradés colorés ne sont pas aléatoirement distribués, ils correspondent à diverses sources lumineuses colorées (souvent visibles dans l’image) dont la disposition est rigoureusement établie au stade de l’esquisse. Chez Christian Ward, les infinies possibilités de l’imaginaire sont contraintes par une «peinture de précision», une grammaire picturale qu’il a pris soin d’élaborer, de complexifier au fil des années.

À partir de 2005, apparaissent de nouveaux paysages désertiques. À en juger par la présence des mêmes rochers étrangement colorés, ceux-ci sont liés aux grands espaces japonisants par l’intermédiaire des grottes, qui seraient alors des tunnels, des passages. Dans ces déserts jaune pâle se dressent des constructions, des maisons, des cabanes, des totems ou des sculptures, des assemblages de rochers dont on ne sait jamais très bien s’ils sont l’ouvrage de la nature ou des hommes qui apparaissent de plus en plus fréquemment dans les déserts aussi bien que dans l’humidité de ses paysages orientaux.

Parallèlement aux derniers développements des Cave Paintings et des peintures de déserts, Christian Ward a pour la première fois choisi d’intégrer à une exposition personnelle une large sélection de dessins qui se divisent en deux grandes catégories: d’un côté ceux qui précèdent les peintures, les préméditent, de l’autre ceux qui les suivent et qui pourraient bien passer pour les productions des mystérieux personnages qui les peuplent. Raphaël Zarka

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