Henrique Oliveira
Baitogogo
Commisssaire: Marc Bembekoff
Sous la forme d’une sculpture spectaculaire, envahissante et «gordienne», Henrique Oliveira compose avec l’architecture du Palais de Tokyo pour en faire surgir une œuvre qui s’inscrit à la frontière du végétal et de l’organique. Le bâtiment lui-même semble être la matrice qui a donné naissance à ce volume en bois de «tapumes», matériau utilisé en particulier dans les villes au Brésil pour construire les palissades de chantier.
Prenant la forme de peintures, sculptures ou installations, l’art hybride d’Henrique Oliveira convoque à la fois l’urbanisme et le végétal, l’organique et le structurel, mais aussi l’art et la science à travers des compositions où l’inattendu génère un univers teinté de fantastique. Diplômé de l’Université de São Paulo en 1997, l’artiste s’intéresse à la fluidité, à la combinaison et à la couleur des matériaux, ce qui confère à ses installations une certaine picturalité. À cet effet, Henrique Oliveira utilise le plus souvent des matériaux issus du contexte urbain brésilien, notamment le bois de «tapumes» provenant de petites palissades construites pour cercler et bloquer l’accès aux zones de chantiers.
En utilisant ces éléments, il rend visible le côté endémique et parasitaire de ces constructions; rappelant des tumeurs en bois, ses installations fonctionnent comme la métaphore des favelas qui poussent de façon organique, révélant par-là même la déliquescence dynamique du tissu urbain de São Paulo.
S’inscrivant dans l’héritage artistique de Lygia Clark ou Hélio Oiticica, il utilise comme matériau premier le contexte même de la ville tentaculaire qui, dans son traitement et dans son apparition inattendue, déstabilise le visiteur dans sa perception de l’espace.
À travers une forme d’anthropomorphisme architectural, Henrique Oliveira révèle l’ossature du bâtiment. Au Palais de Tokyo, il joue ainsi sur les données existantes et structurantes de l’espace à l’instar des piliers qu’il prolonge et démultiplie en vue de leur adjoindre une dimension végétale et organique, comme si le bâtiment prenait vie.
L’artiste s’inspire entre autres d’ouvrages médicaux, plus particulièrement les études effectuées sur les pathologies physiques telles que les tumeurs. Par analogie formelle, ces excroissances ne sont pas sans rappeler les rhytidomes communs à l’écorce des arbres. La texture de cette installation en bois de «tapumes» renvoie inévitablement à certaines essences d’arbres des forêts tropicales humides d’Amazonie: les entrelacs et autres nœuds constituent des réseaux hors de contrôle, répondant à une logique que l’homme ne pourrait plus maîtriser.
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