Originaire de Los Angeles, Travis Hutchison a passé une partie de ses plus jeunes années dans le quartier de l’East Village, à New York, celui des boîtes de nuit où se croisaient au début des années 90 travestis plus ou moins trash et drag queens majestueuses. Le club Pyramid y était l’un de ses points d’ancrage. A cette période, la communauté gay de New York subit de plein fouet l’épidémie de Sida. Les clubs restent ouverts, mais le ton de la fête a changé, « les héros sont morts » : on assiste aux derniers feux de ce qu’ont pu être réellement les fêtes de l’underground.
Aujourd’hui, Travis Hutchison vit à Paris. En souvenir de cette période bénie, il a voulu faire revivre, le temps d’une exposition dans une galerie et l’espace d’un sous-sol dans le Marais, ce monde insaisissable, porteur d’angoisses comme de rêves. C’est d’abord par la photographie que l’artiste a résolu le problème de la documentation des activités et de la vie du club Pyramid.
Cette volonté de capter par l’image le caractère singulièrement éphémère de la fête relève chez Travis Hutchison de l’obsession. A la fois témoin et acteur, puisqu’il monte parfois aussi sur scène, il s’intéresse plus particulièrement aux soirées «Worship the Devil» (Adorez le Diable) du «Blacklips Performance Cult», groupe créé en 1991 par Antony Hegarty, Johanna Constantine et Psychotic Eve, et qui met en scène une sorte de Rocky Horror Picture Show gay.
On pénètre dans le sous-sol de la galerie g-module comme dans les coulisses du club Pyramid, dont Travis Hutchison a reconstitué l’ambiance par les frous-frous, les platform shoes, les faux-cils scintillant ou les bas déchirés qui semblent avoir été abandonnés là , sur les canapés et devant les miroirs de loges, juste avant l’entrée en scène des artistes.
Une série de photographies spontanées, à la manière de Polaroïds, permet d’animer et de donner un visage aux personnages qui semblent s’être évanouis de la scène : on y découvre la japonisante Kabuki Starshine, le couple gore Todd Tomorrow et Miss Lauren, ou l’effrayant Desi Monster adepte du bondage, tandis qu’un diaporama joue la note nostalgique.
Travis Hutchison, depuis son installation en France, poursuit à sa manière le culte de cette période révolue de la nuit new-yorkaise, avec la fondation de la société Worship Design, qui explore cette esthétique doucement sataniste . Il publie également un ouvrage, Worship (éditions Tournon), où il expose sa conception de l’art performatif, illustré par ses photographies du club Pyramid.
A voir également, l’exposition «Tableaux vivants» de Ken Weaver au rez-de-chaussée de la galerie.
Travis Hutchison
— Antony & Lulu, East Village, New York City, 1994/2007. Impression digitale. 40 x 50 cm..
— Thomas Engelhart & Kabuki, East Village, New York City, 1994/2007. Impression digitale. 30 x 37 cm.
— Kabuki Starshine, East Village, New York City, 1994/2007. Impression digitale. 40 x 50 cm.
— Desi Monster, East Village, New York City, 1994-2007. Tirage argentique, 120 x 80 cm.
— Tabboo!, East Village, New York City, 1994-2007. Impression digitale, 70,9 x 47,2 cm.