Entre Dance Floor et Parthénon, Daniel Firman bascule ses sculptures et bouscule les règles établies. Celles-ci se calquent sur les lois de la gravité, l’imitation en trompe-l’œil et le cinétisme. L’ensemble des avant-gardes est digéré par l’artiste lyonnais. La verticalité, le socle, le dur, l’immobilisme, le readymade sont dépassés pour donner des œuvres accessibles et immédiatement compréhensibles. Le propos est intelligent et la présentation efficace.
Les pièces présentées produisent également des arts graphiques. Si Rotomatic (2011) tourne comme une toupie, elle n’oublie pas de produire un dessin strié comme la tranche d’un arbre, façon Ugo Rondinone ou Damien Hirst.
L’œuvre est composée de trois éléments. Une machine à laver est posée sur un socle qui tourne. L’ensemble est abrité derrière un cube de plexiglas. La machine tournoie telle une patineuse sur glace à Chambéry. Le programme n’est pas libre. Il se décline sur plusieurs modes qui sont autant de cycles: prélavage, synthétique, soie, laine, blanc, couleur, programme long, programme court et enfin essorage.
Le lavotomatic de 16 kilos a été arraché de son linéaire. Il a quitté son local blanc blafard des dimanches soirs tristes pour trôner sur un socle articulé et robotisé. Notre cube d’acier fatigué rejoint son écrin transparent, sa papamobile immobilisée. Il est comme les boules qu’il faut agiter pour faire tomber les flocons de neige sur la tour Eiffel ou le Sacré Cœur, il faut attendre que son linge sale s’efface dans un tourbillon en forme de hula hoop. La machine borgne avec son hublot s’agite comme un derviche tourneur cyclopéen.
Bertrand Lavier avait exposé une Alpha Roméo rouge accidentée en la baptisant Guilitta, Daniel Firman aurait pu choisir le nom du modèle écrit sur le capot de sa bête de somme: Primus. Mais Arthur Martin, Whirlpool aurait fait tout autant l’affaire pour jouer leur rôle de Vedette. «C’est bien vrai ça!», aurait répondu la Mère Denis.
Attention c’est parti pour le show! Le lap dance se met en branle. Le robot fou ressemble plus à R2D2 de la saga Star Wars qu’à une effeuilleuse du Crazy Horse Saloon. Voilà pour le numéro de cabaret. Mais ce In laisse place à un Off. C’est là que le papier et les arts graphiques remplacent les arts ménagers.
L’artiste place au-dessus de la machine un bâton muni d’un feutre. La rotation produit ce qu’on attend d’elle à savoir un tracé du programme sélectionné. Le relevé circulaire livre ses secrets comme les lignes de vie éclairent le futur et l’avenir d’une main.
Sismographe d’un cycle de lavage, le disque saturnien qui s’écrit sur le papier Canson Velin rote dans son empreinte sillon. Le 33 tours s’écrit sur bande magnétique. Relevé océanographique, la galette noire, nœud de Möbius, vole en éclats et en pépites météorites. Sismographe d’un ordinateur fou, façon Hal dans 2001. Primus est la réponse française aux sarcophages Whirpool d’un Koons. Même habit, même présentation, les néons en moins.
Si Mammouth écrase les prix, Daniel Firman casse la baraque. Le socle se renverse et bouscule l’ordre établi. Reverse (2011) n’est pas prêt de respecter la chaîne du froid. Un météore (celui de 2001 l’Odyssée de l’espace ?) s’écrase comme dans Les Dieux sont tombés sur la tête, mais sur un congélateur oblong et blanc. L’impact du choc signe le forfait de son crime d’un signe de mort: une croix. Le trait noir s’écrase sur le trait blanc. Les rouges contre les blancs. Battez-vous! aurait dit El Lissitzky.
— Daniel Firman, Jenny, 2011. Résine, polyester, acier, vêtements, perruque. 132 x 92 x 62 cm
— Daniel Firman, Simply red, 2009. Plâtre, vêtements objets. 230 x 140 x 120 cm
— Daniel Firman, Reverse, 2011. Congélateur et pierre
— Daniel Firman, Rotomatic, 2011.