David Tremlett vient de réaliser chez Jean Brolly une fresque murale in situ en cinq couleurs, jouant d’horizontales parallèles et brisées par endroits de façon dynamique. Face à l’entrée, ce paysage abstrait ouvre l’espace tout en soulignant la présence du mur. Les couleurs évoquent un souvenir lointain de paysage immense, irlandais. Des tons de brique, de terre, de sable, de végétation peut-être… Alors que les lignes horizontales, brisées de courts dénivelés perpendiculaires, font échos à la réalité du lieu.
Les décrochages des poutres, les corniches et rebords qui font passer du mur à la toiture de la galerie sont la matrice de la composition spatiale. On peut imaginer cette peinture comme une vision synthétique entre une maison et le paysage autour d’elle.
Le mouvement et l’animation dans ce paysage proviennent de la technique très spécifique employée par David Tremlett: il délimite les bandes colorées avec une ligne scotchée laissée, dans un premier temps, en réserve; puis il enlève les rubans-frontières et caresse et étale la couleur qui va donc déborder de sa réserve initiale.
Il frotte le pigment pur en utilisant un fixateur et masse le mur à la main et à l’éponge de façon à équilibrer la teinte avec la texture du mur.
Ce jeu entre le net tranchant (toujours visible en transparence) et le flou de la couleur qui se diffuse fait tout le piment de cette démarche. C’est une façon optique et sensuelle de pratiquer un érotisme des formes par le jeu avec la règle qu’il s’est donnée. Érotique en ce que la forme bondit nettement vers le spectateur mais s’efface et se brouille. Érotique aussi entre les glissements brusques d’échelles: entre le mural et la texture et le micro grain de l’enduit. Érotique entre la tête froide de la vue d’ensemble et l’hyper densité matérielle de la matière.
Ces principes sont ensuite déclinés dans trois séries de dessins sur papier. Tout d’abord celles qui évoquent des vagues, jouant du parallélisme contrarié entre des zones de tons vert kaki-marron et de fines bandes blanches qui aiguisent et animent la couleur par leur tracé tremblant.
La seconde est construite sur des points colorés flous et rapides alternant avec des zones massives et stables. La dernière série de pastel sur papier reprend les motifs et coloris de la fresque réalisée sur place, des dessins de lignes brisées qui évoquent aussi Reinhardt ou Newman.
Le dessin de David Tremlett est aussi architecture en à plat puisqu’une très grande attention est portée à l’encadrement. L’ épaisseur du cadre, son décollement du mur, sa couleur (ils sont teintés) ainsi que la marge, fine mais précise entre les bords extérieur du dessin et les bords internes du bois d’encadrement, tout ces détails deviennent éléments d’écriture formelle.
La démarche abstraite du peintre et land artiste anglais est humble, sans aura ni discours spiritualiste, obstinée à travailler des sensations de couleurs en rapport avec des souvenirs d’espace à reconstruire. L’image y est re-construction mentale passée à l’aide des matériaux du lieu présent.
David Tremlett
— Drawing For a Square Wall # 1, 1999. Pastel sur papier. 104 x 416 cm.
— Drawing For an Unknown Wall #7, 1999. Pastel sur papier. 108 x 150 cm.
— Wall Lines # 17, 2007. Pastel et graphite sur papier. 75 x 245 cm.
— Drawing For a Wall (ER), 1998. Pastel sur papier. 107 x 150 cm.
— Drawing For a New Wall #10, 2001. Pastel sur papier. 83 cm x 146 cm.
— Drawing For a New Wall #1, 2000. Pastel sur papier. 107 x 150 cm.
— Corner # 3 Bangla (final), 2006. Pastel sur papier. 124 x 150 cm.
— Drawing For an Unknown Wall # 4, 1998. Pastel sur papier. 108 x 151 cm.
— Wall Of Broken Wall Lines # 7, 2007. Pastel sur papier. 61 x 120 cm.
— Wall Lines # 16, 2007. Pastel sur papier. 75 x 245 cm.
— Tall Wall Drawing # 14, 2005. Pastel sur papier. 150 x 63 cm.
— Drawing # 1, 2007. Encre, graphite et pastel sur papier. 70 x 129 cm.
— Drawing For a Wall # 2, 1998. Pastel sur papier. 32 x 96 cm.
— Sketch #1 – 5 Wall Planes, 2002. Pastel sur papier. 53 x 76 cm.
— Sketch #2 – 5 Wall Planes, 2002. Pastel sur papier. 53 x 76 cm.
— Wall of Broken Wall Lines # 3, 2007. Pastel sur papier. 122 x 150 cm.