Les peintures de Changha Hwang présentées à la Galerie Anne de Villepoix sont riches et luxuriantes. Impénétrables. Aucun espace de toile vierge ne vient respirer au milieu d’une profusion de couleurs, de lignes verticales, horizontales, et obliques, qui densifie l’espace du tableau. Le maître-mot de Changa Hwang est la saturation, qui passe par une organisation rigoureuse de la toile en plans successivement accumulés, empilés et emboîtés les uns sur les autres.
Ces plans constituent un vocabulaire précis formé de couleurs, de grilles et de parallélépipèdes dont les différents éléments se confrontent et dialoguent à l’intérieur des limites du tableau et bien au-delà , suggérant ainsi une prolifération hors-champ.
Les trames formées de grilles, qui caractérisent tant les œuvres de Changha Hwang, rappellent bien évidemment les recherches abstraites de Mondrian sur des œuvres telles New York City 1 ou Boogie Woogie, mais en les multipliant, l’artiste coréen en complexifie la lecture et l’implication du regardeur.
Cette densité formelle est toutefois nuancée, pour la série présente, par l’introduction de la diagonale, qui insuffle rythme et mouvement aux compositions, et par l’insertion de larges aplats colorés, qui aère l’ensemble de la toile.
Changha Hwang crée donc une forme picturale basée sur le rapport entre les couleurs et les angles formés par les différentes lignes. Il obtient ainsi un réseau proliférant qui se rapproche fortement des techniques de cartographie. En prise avec le réel, ce travail abstrait, qui s’enrichie de réflexions portées sur l’agencement urbain des villes coréennes, fournie donc un relevé topographique imaginaire composé de latitudes, de longitudes et de reliefs réévalués. Il ne reste donc au visiteur qu’à décrypter ces tableaux.
La profondeur de champ formée par la superposition des surfaces planes donne l’illusion de la 3D, d’un document réalisé par logiciel informatique. Elle rend désespérante la lecture de l’œuvre et formule la difficulté de la saisir dans son intégrité. Le visiteur peut donc se sentir impuissant face à une telle richesse visuelle, en quelque sorte «prisonnier» de ce labyrinthe pictural.
Cependant, aussi fort soit ce sentiment, un labyrinthe offre toujours la promesse d’une échappatoire — c’est-à -dire d’une fiction — qui se trouverait quelque part entre les filets des grilles ou au fond d’un aplat. Les tableaux de Changha Hwang, dont les titres se référent toujours à la réalité et parfois même à un univers ludique, deviennent donc un lieu paradoxal de possibilités et de correspondances secrètes, d’un chaos maîtrisé.
Ce serait une erreur de chercher une narration clairement énoncée derrière les structures complexes de Changha Hwang, mais l’artiste réussit à dresser un dialogue subtil entre abstraction, réalité géographique et fiction, en insufflant à la géométrie un pouvoir d’évocation.Â
Changha Hwang
— Joystick, 2006. Acrylique sur toile. 56 x 81 cm.
— Battleship Gray, 2006. Acrylique sur toile. 145 x 213 cm.
— Plywood, 2006. Acrylique sur toile. 127 x 183 cm.
— Origami, 2006. Acrylique sur toile. 162 x 260 cm.
— Back And Forth, 2006. Acrylique sur toile. 127 x 183 cm.
— Toy Fair, 2006. Acrylique sur toile. 94 x 145 cm.