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Baby Got Back

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@20 Jan 2011

La peinture d'Amy Bessone ressemble a une danse ou une musique, en tout cas elle crée des rythmes. Dans cette nouvelle série l'artiste américaine joue avec des courbes et des contrastes forts, voire électriques pour donner une nouvelle énergie au genre du nu.

Pour sa première exposition personnelle en France, l’artiste américaine Amy Bessone propose une nouvelle série de peintures. Un petit tableau, une huile sur toile, est accroché en guise d’introduction et donne le ton. Il représente un profil de femme assise, accoudée au sol, une jambe pliée, l’autre légèrement surélevée. Son visage est de face. Le style est spontané, on sent la rapidité des coups de pinceau. Les courbes du corps sont simplifiées mais les traits du visage bien plus marqués.
Parfois obsessionnelle avec les faciès, Amy Bessone ne les lâche pas, dessinant et re-dessinant les expressions de son modèle, jusqu’à la caricature, et une écriture comparable à celle des masques africains.

Cette oeuvre aux tons noirs, gris et orange et justement intitulée Gray Meets Orange, Meets black. Car il s’agit bien de rencontres de couleurs auxquelles l’artiste nous invite. La palette réduite donne à l’Å“uvre une force sans compromis. Chaque masse colorée garde toute son intensité en même temps qu’elle amplifie par contraste les teintes avoisinantes.

Amy Bessone donne aujourd’hui une nouvelle direction à son travail en s’imposant un choix de couleurs électriques… Dans le sillage des recherches formelles de Matisse pour qui le noir était une «couleur de lumière», et en écho à ses gouaches découpées. Elle ne cache pas non plus son goût pour certaines peintures de Picasso associées à l’art africain, notamment congolais. Sa palette tonique et la simplicité de son geste évoquent aussi Keith Haring.

Amy Bessone veut clairement s’inscrire dans l’histoire de l’art. Après s’être située par rapport au classicisme, aux Å“uvres gréco-romaines ou renaissantes, sa proposition est autrement audacieuse: donner au nu une place dans l’art contemporain, alors qu’il en est aujourd’hui étrangement absent.

La galerie Praz-Delavallade expose aussi un ensemble de trois peintures de petit format: deux verticales et une horizontale, de même hauteur. A gauche, Sitting Silver est une huile sur toile de lin faisant office de peau au personnage. Il s’agit encore d’une femme. Son corps est contorsionné pour tenir dans le cadre, ce qui affirme les limites du tableau. Le fond noir est composé uniquement de traits de pinceau qui se mêlent au dessin noir du corps.

Juste à côté, dans FaceMash, Khaki Green Stripe, c’est la médiane verte qui anime la composition. Un masque est scindé en deux par un rehaut vert inscrit à la craie grasse, sur fond rose fuchsia, couleur complémentaire exacte du vert-jaune de la médiane.

Dans Punk Nude #2 et Punk Nude #4, une femme jaune est allongée, les bras au-dessus de la tête, les seins tombant, les jambes pliées. Le fond est noir et marron créant un contraste fort. Les deux tableaux sont sensiblement identiques, mais le premier est assez petit, et l’autre très grand. En fait Amy Bessone réalise souvent un petit format après en avoir fait une grande version. Le grand fait en quelque sorte office de croquis. La grande taille, sans être monumentale, permet de libérer une énergie, un naturel. La difficulté étant de retrouver la spontanéité dans un format réduit sans déperdition d’énergie.

De même, dans Gray Meets Orange, Meets Black et Pop Punk FaceMash Hot Pink Love Song présentant des compositions très semblables, l’idée de déclinaison est très présente, avec des variations de taille, de teinte, de positionnement des jambes.

Dark Matter, qui représente un masque africain, est une Å“uvre véritablement puissante. Le traitement pictural évoque l’orphisme de Sonia Delaunay en version figurative, mais avec un fort lyrisme. Robert Delaunay sait combiner les contrastes simultanés entre couleurs pures, tons froids et tons chauds, que reprend ici Amy Bessone. Dans cette huile rehaussée à la craie grasse, les violets, jaunes, orange, marron, verts et bleus créent les rides. Les contrastes dessinent des creux et des pleins et montrent les expressions du visage tout en donnant l’aspect d’un bois sculpté et gravé. Les traces de pinceau sont effectuées dans un mouvement circulaire. On sent la libération du geste et même une certaine sauvagerie.

Puis il y a Composition 1 Silverlake, un grand format de presque 2 mètres de long. Il s’agit encore d’une femme nue dans les tons rouges de cadmium. Le fond est gris avec de très légères nuances allant du bleu pétrole au violacé. L’élément marquant est l’absence de visage, qui est remplacé par un motif fait de quadrillage et de points. L’individu est nié au profit d’un corps anonyme, d’autant plus que les couleurs de peau, irréelles, brouillent l’appartenance. Quant au corps, il n’est que rythme, ce qu’accentue l’absence de détails.

La dernière Å“uvre intitulée S Figure obéit aux mêmes principes. Comme dans les autres toiles, des giclures ça et là témoignent de la rapidité d’exécution, presque automatique. Sur une couleur préalablement choisie, celle du personnage, l’artiste vient poser un premier trait de dessin. Puis elle peint le fond venant détourer alors la masse du corps… C’est cette technique simple qui lui permet de préserver l’ingrédient principal de cette série: l’énergie pure.

— Amy Bessone, Gray Meets orange, Meets black, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, Sitting Silver, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, FaceMash, Khaki Green Stripe, 2010. Huile sur toile et craies grasses
— Amy Bessone, Punk Nude #2, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, Punk Nude #4, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, Pop Punk FaceMash Hot Pink Love Song, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, Dark Matter, 2010. Huile sur toile et craies grasses.
— Amy Bessone, Composition 1 Silverlake, 2010. Huile sur toile.
— Amy Bessone, S figure, 2010. Huile sur toile.

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