Marie Bovo
Bâb-El-Louk
Kamel Mennour est heureux de présenter « Bâb-El-Louk » la seconde exposition personnelle de Marie Bovo à la galerie.
Au cours du printemps 2006, Marie Bovo installe son appareil photographique sur le toit d’un immeuble du Caire, précisément dans le quartier de Bâb-El-Louk, point central de la capitale égyptienne. Sept clichés sont réalisés à différents moments de la journée et de la nuit. À quelque chose près, ils répètent le même cadrage, le même point de vue qui empile les immeubles et, en supprimant la ligne d’horizon, porte à croire que la ville pourrait s’étendre indéfiniment.
Or, chaque image nous montre un paysage différent. Il s’agit bien à chaque fois des mêmes toitures en terrasse recouvertes de gravats, des mêmes édifices pour lesquels nous ne parvenons pas à décider s’ils sont en ruine ou en cours de construction. Et c’est bien le même dédale anarchique de ruelles qui s’enroule à leurs pieds. Toutefois, la course du soleil et l’intensité variable de l’éclairage urbain projettent des ombres fluctuantes qui remodèlent sculpturalement le quartier, lui conférant une infinité de visages.
L’aube se lève sur un paysage enneigé d’une poussière blanche, comme gelé par un hiver nucléaire. Il ne tarde pas à subir la morsure de l’écrasant soleil de midi. Celui de 16h42 donne un relief éclatant aux rares touches de couleurs qui parsèment cette veduta minérale : un tapis rouge suspendu à une fenêtre, un jardin sur une terrasse ; avec l’homme qui en arrose bientôt les plantes vivaces, il constitue jusqu’alors la seule trace de vie dans ce paysage désolé. Puis, le soleil se couche, la ville s’éveille, la lumière des foyers s’allume, les ruelles coulent comme des rivières de feu.
Avec cette série égyptienne de Bâb-El-Louk, Marie Bovo prend de la hauteur, comme lorsqu’elle photographia le Tokyo nocturne depuis la Tour Mori, quelques années auparavant. Mais elle gèle et fractionne également des portions de temps, de durée, et cela nous renvoie à ses photos de plages marseillaises où les vagues, capturées dans l’intervalle séparant l’ouverture et la fermeture de l’obturateur, n’en finissaient plus de rouler. D’une manière similaire, Bâb-El-Louk déploie un temps circulaire : tout recommencera demain, car la Terre est ronde, et ces sept images, photographies d’un non-événement, nous font très simplement prendre conscience d’un temps universel qui, s’il place sur un pied d’égalité tous les êtres humains, ne les épuise pas moins du rythme de ses répétitions.
Son travail a récemment été présenté à l’Institut Franco-Portugais de Lisbonne, aux Collections de Saint-Cyprien, aux Ateliers de la Ville de Marseille, au Mac de Marseille et à la Fondation ERA à Moscou.
Vernissage 15 mai de 19h à 21h30
critique
Bab-El-Louk