Camila Oliveira Fairclough, artiste brésilienne qui vit et travaille à Paris, crée des motifs graphiques réduits à l’essentiel. Évocations abstraites, plus que représentations concrètes, ils apparaissent comme des symboles manifestes d’une nouvelle signalétique à déchiffrer, quand il ne s’agit pas directement de signes conventionnels, arithmétiques ou typographiques. En ce sens, l’art de Camila Oliveira Fairclough se rapproche aussi du Pop Art à travers l’utilisation de codes visuels communs au plus grand nombre.
Cependant, c’est avec un haut degré de formalisme que le jeu de formes et de couleurs prime sur la figuration, jusque dans le choix du format. Son œuvre, d’une grande rigueur, garde néanmoins un caractère ludique, nous offrant des énigmes visuelles à partir d’éléments qui mettent à l’épreuve la sagacité du spectateur.
A l’occasion de l’exposition «B.a-ba» à la galerie Emmanuel Hervé, l’œuvre de Camila Oliveira Fairclough dévoile une nouvelle facette de univers graphique et conceptuel.
B.a-ba, la succession d’Alpha et Bêta (issus de l’alphabet grec), signifie à la fois l’apprentissage d’une langue ou d’un domaine mais aussi l’ensemble de ses connaissances primaires. Un système élémentaire dont l’équivalent anglophone n’est autre qu’abc. Trois simples graphèmes et voilà que se dessine aussitôt une initiation au langage ou plutôt une invitation à dériver vers un certain méta-langage. A, Acrylique, Ananas, Always on time, B, Baci, Banana, C, Chloé, Lemon, Oui, Non, Kiss Kiss. Des peintures signalées par un nom – à ne pas confondre avec un titre – parfois même habités par un seul signe.
L’expositio développe cet abécédarium de personnages, cette variation de concepts et déclinaisons de possibles. Dans «B.a-ba» ces principes premiers de l’alphabet (romain) se retrouvent surplombés d’un palmier et juxtaposés à un monochrome noir. Alors que signifie ce dialogue ? Est-ce un clin d’oeil aux intrus formant A.B.C- A.B.C (1974), une oeuvre de Marcel Broodthaers associant ce trio lettré à une série d’images extraites d’un alphabet d’écolier, un rébus à vocation éducative répétant inlassablement différents algorithmes ?
Dans l’oeuvre de Camila Oliveira Fairclough, les lettres sont avant tout des formes et possèdent leurs propres dessins, l’alphabet serait ainsi une banale proposition de classement, un ordre privé de sens, le degré zéro de l’ordre – un système normatif dont les premières lettres semblent tant appeler que symboliser toutes les suivantes. Abc etcetera. Et si répéter, répliquer pouvait être le secret de l’apprentissage ? Ainsi, savoir-faire serait aussi bien savoir-écrire que reproduire et assimiler ce geste, le réitérer, le repeindre à la lettre.