Paul-Armand Gette
Autour du point 0
À travers l’introduction et l’usage varié du simple panneau portant la mention 0 m., Paul-Armand Gette tente d’introduire quelques zones incertaines dans l’étendue trop policée du paysage, tel un procédé impliquant une relativité des points de vue et une critique des habitudes visuelles.
Le panneau 0 m. est un élément de pur emprunt à la méthode scientifique de repérage et de mesure dans le paysage, méthode transectale dont il choisit de simplifier l’application depuis 1974, lors de travaux sur la plage de Malmö; film et photographies isolent là le premier panneau 0 m. du reste du système. L’artiste se permet de livrer une interprétation dépourvue de sens figé: «Le 0 m. est le premier élément d’un transect, système de repères qui permet aux botanistes et aux géologues de déterminer le commencement de quelque chose pour pouvoir faire, à partir de ce point, des relevés de décade en décade : 0 m., 10 m., 20 m., etc. J’ai commencé par utiliser le système complètement, puis j’ai fini par ne garder que le «0 m.», dont, d’une manière ironique, j’ai fait le début du paysage.»
La radicalité apparente de la proposition, encourageant des lectures nihilistes ou conceptuellement empreintes de l’application d’un degré zéro de la représentation, a exigé quelques mises au point. L’artiste précisa souvent que le zéro n’est pas chez lui un signe de nullité dans la mesure où il est associé au mètre, il reste un élément de mesure, un point de départ vers l’amont comme vers l’aval. «Le point zéro n’abolit rien, sous la forme d’étiquette il désigne sans commentaire et affiche une franche neutralité qui produit davantage de la tension que de l’inhibition», écrit l’artiste.
En tant que point d’équilibre entre deux zones, le point zéro mètre est un signe adéquat permettant de définir un espace intermédiaire, une zone intervallaire mais également vague. Le lieu inexistant en tant que tel avant que l’oeuvre ne s’y écrive devient un endroit aux environs de…, dans une marge d’incertitude. Par conséquent, la présence ambivalente des points zéro disséminés dans l’œuvre ressort de l’entre-deux qui, sans se définir étroitement, donne lieu à de multiples interprétations et réactions. La lisière, par là même désignée, est moins une frontière qu’un espace d’ambiguïté où se produisent des réalisations dont le contenu émotionnel est amplifié.