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Autoportraits aux Enfers

PEtienne Helmer
@12 Jan 2008

Dans ses " Autoportraits aux Enfers ", Choi se montre en se cachant sous les avatars monstrueux de son visage, non sans autodérision toutefois. On savait l’autoportrait infidèle, on le découvre ici ennemi déclaré de la transparence…

Il y a deux sortes d’Enfers. Les Enfers lugubres, où Ulysse et Enée voient passer des figures familières : les morts n’y sont plus que les fantômes de ce qu’ils furent, ombres spectrales dans la lumière blafarde. Ils ont certes perdu la couleur et la matière de la vie, mais on peut les reconnaître car leur forme demeure. Et il y a les Enfers de la nausée et de la torture, où les corps suppliciés, comme chez Bosch, se déforment jusqu’à devenir méconnaissables. Pour s’en faire une idée, qu’on s’imagine incapable de reconnaître un homme dans les images de son propre visage, qu’on l’y sache présent sans pouvoir l’y trouver : une expérience de la folie et de l’horreur mêlées.
C’est dans ces Enfers que se projette le photographe Choi avec ses  » Autoportraits « , non sans autodérision toutefois. On savait l’autoportrait infidèle, on le découvre ici ennemi déclaré de la transparence et de la reconnaissance qu’on attend de lui.

Ces  » autoportraits  » ne sont ni des caricatures, ce qui supposerait que leur auteur, à quelques grossissements près, laisse reconnaître son visage en son intégrité, ni des fictions ou des mises en scène de soi, comme ceux de Cindy Sherman. Ils n’évoquent l’identité de leur auteur que par les déformations qu’il fait subir à son visage.
Ces déformations n’obéissent à aucune règle : écrasements, torsions et étirements sont poussés à la limite de l’informe, au point de rupture où la forme cède à la matière et son chaos. Grains et pores du visage révèlent alors sa monstruosité latente, comme si son étonnante plasticité était plus fascinante qu’un autoportrait confortant le sentiment d’une relative familiarité.
Et pour le visiteur qui n’a jamais vu l’artiste, est déçue l’attente de la reconnaissance que le genre de l’autoportrait laissait présager : au contraire, chacune de ces imprévisibles transformations rend l’artiste un peu plus absent.

Pour effrayantes qu’elles soient, ces images ne sont toutefois pas exemptes d’une certaine ironie. Par la surenchère dans la déformation et la torture, elles illustrent la part de folie de toute quête de soi : comme si les Enfers, ce n’était pas les autres, mais ce désir de se voir qui habite le moi, au point qu’il en devient haïssable peut-être, insaisissable à coup sûr.

Choi
Sans titre, Série «Autoportraits aux Enfers».
Sans titre, Série «Autoportraits aux Enfers».

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