Comme souvent, pour ne pas dire toujours, le film méduse les spectateurs, d’emblée captivés, réincarnés en rongeurs flânochant dans la garenne et se retrouvant soudain dans le coaltar, fascinés par les phares des autos.
La réalisation est ample, bien conçue, parfaitement composée. Côté jardin, un mur orné d’un panneau «Interdit de fumer» ou quelque chose dans le genre. Au premier plan, une chaîne empêchant l’entrée — barrage sursignifié par un signal de sens interdit. Côté centre-droit, un escalier verdâtre, glauque (au sens propre), pharmaceutique.
Le nu dévalant un escalier. La nue — les nus de peintres sont généralement féminins — tombant des nues. Une cascade volontaire, maîtrisée, répétée, ralentie. Quelques notes de guitare électrifiée — cela ne fait jamais de mal — et un ou deux effets de surimpression et de disparition. Fin du mirage. Fin du premier (non) acte. Dont acte.
La partie live de la vie de la jeune femme est plus obscure. Son corps restera malheureusement inhibé durant toute cette période. Des scratches d’entaillage, d’essartage, de déchiquetage servent de B.O à la pièce (à la mise en pièces, devrait-on écrire!). On comprend vite, plus qu’on ne voit vraiment, que la performeuse se livre à son occupation favorite qui consiste à enlever son collant. Avec trop d’impatience, sans doute, elle veut se changer, muer…
La jeune femme, pas à son aise, veut probablement nous signifier sa volonté de changer de peau. Sa seconde peau, fine, peaufinée, littéralement, comme la pellicule du film. Ce rituel post-féministe est complété par une scène de maquillage des lèvres qui se transforme en grossier barbouillage puis par l’enfilage d’un jean — conquête des suffragettes du XXe siècle, qui ne symbolise plus grand chose de nos jours.
On aurait pu s’attendre à un peu plus de suite dans les idées — à un fil rouge, ou à un surfil reliant ces tableautins hétéroclites. Le film méritait d’être mis à jour sur scène. Le parti-pris est volontairement relâché. La pièce manque encore d’étoffe et, surtout, de bâti.
— Création musiciale: Abdelhak Terroufi
— Création lumière: Jérôme Bertin
— Regard extérieur: Mister J.