La pièce Pavane… relève le défi de faire d’un spectacle de danse contemporaine un moment d’étude du mouvement et des partitions. Pour sa dernière création, la chorégraphe Aurélie Berland s’attache rigoureusement à la pièce de José Limon, La Pavane du Maure (1949). Cultivant une approche archéologique, Pavane… porte l’intention de reconstituer un spectacle, à partir de sa partition. À l’aune de multiples et inévitables glissements, le travail chorégraphique d’Aurélie Berland prend corps pour devenir une pièce autonome. Elle donne ainsi naissance à un spectacle sobre, élégant, soyeux, au minimalisme précis. Une épure laissant toute sa place à l’énergie du mouvement.
Pavane… d’Aurélie Berland : transposition chorégraphique de la pièce de José Limon
Pavane… s’inscrit dans un processus d’investigation des partitions de José Limon (1908-1972). Chorégraphe, danseur et pédagogue américain, José Limon a notamment contribué aux développements des techniques de danse moderne. Son œuvre la plus connue reste La Pavane du Maure, d’après l’Othello de Shakespeare. Aurélie Berland, en tant que chorégraphe formée au Conservatoire de Paris, ainsi qu’en histoire à la Sorbonne, interroge depuis 2013 le travail de José Limon. Et ce, après avoir découvert un enregistrement de La Pavane du Maure en étudiant la notation Laban (méthode de notation chorégraphique). Sorte de génétique des partitions chorégraphiques, à l’instar de la ‘génétique des textes’, la Pavane… d’Aurélie Berland triture et déploie la partition-palimpseste de José Limon. Et cette œuvre, cette démarche créatrice, s’inscrit dans la vaste entreprise d’Aurélie Berland, autour des partitions et méthodes de notation (écriture, rature, réécriture, rajout, démultiplication, bifurcation…).
Partition-palimpeste : une danse contemporaine érudite, élégante et sobre
Sur scène, la pièce s’articule en deux temps : Pavane miniature (solo) et Pavane miroir (quatuor). Soit un processus de réécriture par réduction puis redéploiement. De quatuor, Pavane… devient solo, puis de solo, la pièce redevient quatuor. Un processus d’indifférenciation suivi d’une re-différenciation. La partition pour quatre se condense en une personne pour mieux se redéployer ensuite en quatre interprètes. Soit une forme de traduction-translation, où la composition musicale de Marc Baron, Un salon au fond d’un lac (2014) vient par exemple se substituer à celle d’Henry Purcell. Une stricte reconstruction étant impossible, Aurélie Berland compose une réinterprétation méthodique, à partir d’une partition prise comme espace de réécriture dynamique. Un travail infini laissant ainsi quantité d’interstices où débusquer poésie et étonnement. Comme les notes et signes qui se succèdent et s’entrelacent sur les partitions, les corps des danseuses, ici, condensent et déplient l’esprit de La Pavane du Maure.