Sarkis
Aura d’après Vaudou
Sarkis se joue ici des propriétés physiques de la peinture à l’huile. Si l’artiste circonscrit d’abord — avec maîtrise et sans repentir — une silhouette de couleur pure sur papier, c’est pour ensuite laisser libre cours à la vie propre et hasardeuse de diffusion de l’huile qui se propage sur la feuille. En nimbant la figure de son jus jaune, la peinture rompt les limites de l’espace défini, refuse la fixation, et déborde avec vitalité la spatialité trop étroite assignée par Sarkis: le liquide souverain déborde les frontières de la corpulence solide et stable de la substance picturale pour affirmer son autonomie.
Ce sont précisément les différentes temporalités de réalisation de cette matière indépendante qui intéressent l’artiste: Sarkis amorce l’Å“uvre en donnant l’impulsion première, tout en acceptant respectueusement les limites spatiales de son action. En retrait, il peut observer la transformation physique de la diffusion affranchie de la peinture qui administre ses propres frontières. Les deux temps de ce processus ritualisé sont aisément perceptibles dans l’espace de la peinture pour le spectateur, convoquant un ressenti sensible amplifié par la dimension tactile de la pâte de la peinture mise en mouvement par la gestuelle du peintre, et la brutalité de sa vitesse d’exécution.
À l’instar de Marcel Duchamp qui évoquait les possibilités de passages — notion chère à Sarkis — de la seconde dimension à la troisième dimension en définissant l’inframince, l’artiste nous propose ici la démarche inverse: une translation du volume à l’aplat par l’absence de couleur qui crée l’aura des figures. À la fois simples et complexes, les treize Aura d’après Vaudou de Sarkis requièrent la disponibilité du spectateur pour favoriser sa contemplation formelle et mentale: ces tâches, en filigrane et en marge de l’agissement de Sarkis, gagnent en présence par la confiance que l’artiste accorde à la peinture à l’huile pour la laisser s’accomplir librement.