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Augures

Augures débute dans la pénombre et avec une marche arrière, à tâtons, sur les pas d’un premier interprète bientôt rejoint par le reste de sa troupe. Cette avancée maladroite, accusée par un contre-jour aveuglant qui provoque apparitions et disparitions de ces corps hésitants, met l’accent sur le sol incertain: un grand tapis psychédélique dessiné par Nadia Lauro qui évoque celui de l’hôtel Overlook et esquisse dans l’obscurité creux et pleins, reliefs imaginaires entièrement créés grâce à un jeu d’optique.
Les motifs subissent des distorsions, qui imitent des volumes en une série de plis, d’irrégularités sur le plan horizontal, topographie imaginaire où s’élabore tout de suite un enjeu dramatique voire une première narration.

Le spectacle malheureusement jamais ne se hisse à la hauteur de sa scénographie, comme balancé au hasard sur un trop riche terrain de jeu. Et tout dans la pièce semble pêcher par profusion, surplus de gestes, confusion des priorités: la danse s’agite et s’épuise très vite.
Le mélange de registres tels que la pantomime, les danses baroque ou d’inspiration labanienne, confère au spectacle un aspect bâtard. Tableaux, séquences se succèdent sans lien organique, sans aucun moment d’incorporation, comme si chaque geste devenait superflu, empêchait la constitution d’une écriture chorégraphique. Et quand tout d’un coup un corps chute et s’écrase au sol à l’arrière-plan, aperçu à travers une fenêtre qui encadre tout en mettant à distance, l’effroi que provoque le son du choc définitivement nous éloigne de la proposition. Violentes, ces chutes se répèteront avec régularité tout le long de la pièce tel un effet malvenu, forçant non pas l’adhésion mais bien le détachement avec ce qui a lieu sur scène.

Les scories du film Shining — le tricycle robot qui circule, fantomatique, en chantonnant sa comptine ou la reprise du motif de l’inquiétante gémellité — agissent comme les témoins d’une rencontre ratée: cette référence séminale se voit par ailleurs escamotée de la feuille de salle, estompée du tableau final pour ne survivre que dans des détails anecdotiques.
Que reste-t-il du grand film de Kubrick, de sa substance comme de sa forme qui inaugurait l’usage du steadycam? Certainement rien de cette impression d’angoisse flottante, de vertige qui vous prend jusque dans les tripes et fait de la chute un mouvement de dépression, une spirale interne toute psychologique. Ne subsistent que des moments de poses, des gestes enfantins censés être signifiants mais qui ne racontent rien d’autre qu’une dissipation épuisante, tandis que le décor, aussi fascinant que kitsch, absorbe tout effort de concentration. Au centre d’Augures il y aurait donc ce tapis magique qui nous emporterait bien loin du plateau, à la recherche de toutes ces danses restées fictives qui auraient pu s’y développer.

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