ART | EXPO

Au milieu du Crétacé

17 Jan - 01 Mar 2014
Vernissage le 16 Jan 2014

S’inspirant de Beckett, Kafka, et de leurs scénographies théâtrales, les œuvres de Virginie Yassef nous plongent dans un univers absurde. L’exposition présentera un tronc d’arbre, celui-là même qui obstruait la rue des cascades à Ménilmontant durant la dernière Nuit Blanche, ainsi que différentes pièces apparues lors de ses dernières expositions.

Virginie Yassef
Au milieu du Crétacé

«Route à la campagne, avec arbre. Soir. Estragon, assis sur une pierre, essaie d’enlever sa chaussure. Il s’y acharne des deux mains, en ahanant. Il s’arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence. Même jeu. Entre Vladimir.»

Ces lignes qui introduisent la scène d’En Attendant Godot (1952) de Samuel Beckett pourraient presque être à propos pour accompagner cette proposition de Virginie Yassef. Elles préparent l’imaginaire et nous plonge d’ores et déjà dans un certain théâtre de l’absurde. En effet la promenade chez les Vallois commence par la présence d’un tronc d’arbre, celui-là même qui obstruait la rue des cascades à Ménilmontant durant la dernière Nuit Blanche. La confusion était à son comble autour de L’Objet du doute (2013). «C’est du marbre?», entendait-on. Non loin d’ici, au Jardin des Tuileries, L’Arbre à voyelles de Giuseppe Penone suscite sans doute autant de commentaires poétiques. Soudain, l’arbre de Virginie Yassef, tel un personnage réel de fiction, s’anime. Comme dans un dernier souffle…

Au détour de cette embûche se trouve une clairière où sont présentées différentes pièces en prolongement des expositions récentes à La Galerie de Noisy-Le-Sec («Un mur de sable vient de tomber») et à la Ferme du Buisson de Noisiel («Le Signe singe» avec Julien Bismuth).

Ces œuvres sont complétées par un choix spécifique de Scénarios fantômes, la série de photographies énigmatiques que Virginie Yassef développe depuis 2003. Ces dernières fonctionnent en quelque sorte comme une prédelle narrative dans la peinture italienne. Inspirée, entre autres, par le texte Les Recherches d’un chien (1922) de Franz Kafka, l’installation de 2012 à Noisy, On n’a jamais vu de chien faire, de propos délibéré, l’échange d’un os avec un autre chien, était le début d’un engagement plus prononcé vers une scénographie de l’ordre du théâtre. Elle fut le décor du spectacle mutant durant lequel, entre Noisy et Noisiel, un enfant se transforma en chien. Un des éléments devient ici une roue de plumes de paons: ce déploiement motorisé exagère l’exhibition séductrice si exceptionnelle de l’animal.

Dans ce même univers, qui n’est pas sans rappeler ceux mis en place par Pierre Huyghe et Philippe Parreno, le spectateur est convié à écouter une conversation, digne de la pièce de Beckett ou des échanges entre chiens de Kafka. Des questions sur le comportement des êtres humains sont posées par une poignée de fausses bûches et de fausses pierres réunies là.

Virginie Yassef nous incite ainsi à «assister à des sculptures» qui sont «prêtes à parler». En octobre 2013, la nature du Parc des Buttes-Chaumont et ses fameuses reproductions en trompe-l’œil bétonnées conduisirent l’artiste à proposer une expérience vivante en deux temps autour d’un socle vide dont elle a su éviter les contraintes classiques. De la résine, au polystyrène et au carton-pâte peints, les matériaux de l’artifice sont loin du bronze traditionnel, et plus proches de Disney, du théâtre ou de films de science-fiction.

L’oralité, la sonorisation, le mouvement et l’attirance tactile afin d’élucider ces mystérieuses illusions sont au rendez-vous pour amplifier le potentiel d’émerveillement. Emilie Renard titrait son entretien avec Virginie Yassef «A suivre». Effectivement.

Caroline Hancock

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