Ce qui frappe d’emblée en parcourant l’exposition, c’est l’homogénéité de l’Å“uvre à travers son histoire. Tsuruko Yamazaki goûte toujours l’expérience Gutai et, sans forcément en faire revivre la ferveur et l’intensité dans son travail, lui adjoint une forme d’actualité.
Que disait Gutai? Qu’il fallait donner vie à la matière. Débarrasser l’Å“uvre de la tentation du sacré pour recréer les conditions d’une alchimie entre la pensée et la main de l’artiste.
Au moment où Yoshihara définissait le crédo du groupe en 1956, Tsuruko Yamazaki découvrait les vertus du métal, notamment de l’étain. Des feuilles d’étain écrasées simplement accrochées au mur, des bidons peints en bleu posés au sol et éclairés d’une lumière rasante (Tin Cans, 1955-2009), c’est ainsi toute une hagiographie de la matière et de ses qualités réflexives que la Japonaise mettait en scène avec une liberté déconcertante. Aujourd’hui encore, l’étain est le dénominateur commun de toutes ses pièces.
L’étain donc pour révéler des couleurs artificielles et hypnotiques, dégoulinant de toutes parts sur sa surface. Jusqu’à produire, selon l’envie, des épaisseurs de laques plus ou moins stables, des volutes subtiles baignant dans des lumières diffuses, des volumes délavés dans lesquels semblent se perdre quelques éclats de jour. Une sorte de dérive des formes qui s’affirme encore plus sur les plaques produites en 2009 (Work, 2009).
«Une confusion», s’enthousiasmait déjà Michel Tapié pour définir la charge visuelle qu’imprimaient sur lui les travaux du groupe. Yoshihara voyait dans cette altération volontaire de la matière une «nouvelle beauté contemporaine». Il reconnaissait la dette de Gutai envers l’Impressionnisme et l’Avant-garde française du début XXe.
Tsuruko Yamazaki semble avoir totalement intégré cette beauté contemporaine et les travaux de ses prédécesseurs sur l’écho de la couleur à la surface de la toile. Les pièces des années 50 et 60 répondaient déjà aux inventeurs de la modernité. A leur tour, celles de 2009 répondent avec fraîcheur à leurs ainées. Notamment à ses peintures, exposées à l’étage, qui suggéraient la possibilité de dépasser la surface de la matière pour entrer en contact avec sa couleur et le champ immense des possibles: la juxtaposition, la superposition, l’interpénétration des lignes et des plis, la surface tridimensionnelle, la matière-miroir, la couleur en réflexion, etc.
De ses superpositions peintes sont nées d’autres superpositions peintes, à ces plaques d’étain ont suivi d’autres plaques d’étain, comme une connexion naturelle et un fil d’Ariane jamais rompu entre l’Å“uvre iconoclaste des débuts et celle d’aujourd’hui plus apaisée, plus resserrée, plus maitrisée peut-être aussi dans ces effets, notamment lorsqu’elle revisite des Å“uvres à l’aide de projecteurs à la découpe impeccable (Work, 1957-2009).
L’émotion est pourtant bien là . Dans cette légèreté, dans cette surface rieuse qui sait pourtant prendre ou qui a pris avec l’âge de l’artiste quelques sombres atours. Une émotion que l’on trouvera également dans cette abnégation à la tâche, dans ce désir de remettre toujours en question la vérité de la matière et les caprices de la couleur qui vient s’y lover.
Liste des Å“uvres
— Tsuruko Yamazaki, Work, 2009. Teinture, laque, diluant sur étain. 47,5 x 47,5 cm
— Tsuruko Yamazaki, Work, 1957. Teinture aniline sur étain. 73,3 x 82,7 cm
— Tsuruko Yamazaki, Work, 2006. Teinture, laque, diluant sur étain. 86,5 x 101 cm
— Tsuruko Yamazaki, Tin Cans, 1955 (2009). Teinture, laque, diluant sur lin. 22 x 17 cm
— Tsuruko Yamazaki, Work, 2009. Teinture, laque, diluant sur lin. 47,5 x 47,5 cm