ART | EXPO

Attebasile

15 Fév - 07 Juin 2009
Vernissage le 14 Fév 2009

Les objets et les images utilisés par Victor Man renvoient à un passé plus ou moins récent et se focalisent sur l’action du temps qui passe. Certains objets décontextualisés suggèrent de nouvelles histoires. Vidant les images de leur contenu initial, l’artiste donne à ses peintures, sculptures, dessins muraux de nouvelles possibilités de lecture.

Communiqué de presse
Victor Man
Attebasile

Commissaire : Chiara Parisi
Le Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière présente la première exposition personnelle en France de Victor Man « Attebasile ».

Présentée en collaboration avec l’Ikon Gallery à Birmingham, « Attebasile » propose des oeuvres des deux dernières années de travail de l’artiste : peintures, sculptures, dessins muraux et nouvelles productions, accompagnés d’un livre projeté par l’artiste lui-même.

Attebasile comme préambule de l’exposition nous introduit dans l’univers singulier et atypique de Victor Man. L’obscure et irréductible mélancolie dont est imprégné le corpus de ses oeuvres a trouvé sur l’île de Vassivière un lieu naturellement mimétique où l’artiste a pu se confronter à la force des espaces naturels et de ceux architecturaux dessinés par Aldo Rossi.

En terme de construction narrative, les oeuvres de Victor Man peuvent être comparées à des phrases incomplètes dont l’énoncé n’est pas fini, de façon à créer une forme de dépaysement. Cette stratégie d’énonciation incomplète de l’oeuvre commence déjà avec le titre dont l’artiste ne veut pas révéler la signification et atteint son apogée dans le parcours exposé qui commence dans le parc de sculptures et se prolonge dans les espaces du Centre d’art. Victor Man fait entrer dans le domaine de la production du sens une série d’éléments qui associent des paires de représentations générant une quantité infinie d’interprétations possibles.

Son travail est souvent autobiographique, comme dans les assemblages d’oeuvres picturales de petites dimensions, de dessins muraux et de sculptures qui unissent des références diverses liées à son lieu de naissance.

De façon transversale, l’artiste examine les transformations historiques dans cette nouvelle géographie européenne en analysant questions et objets qui se réfèrent aux traditions locales désormais en désuétude. Victor Man est considéré comme l’un des grands interprètes des gestes humains qu’il reprend avec une forte précision photographique et un immense talent dans la manière de fixer l’immédiateté de l’instant. Dans sa
poétique, les questions de l’identité politique et nationale se superposent à une réflexion sur la violence et sur la condition de solitude de l’homme.

Vernissage
Samedi 14 février 2009 à 17h.

La mémoire – la déconstruction
« Peindre est pour moi une pratique quotidienne qui me permet de ne pas tomber dans l’ennui et l’inactivité. J’ai besoin de « faire » tous les jours ». Les objets et les images utilisés par Victor Man renvoient à un passé plus ou moins récent et se focalisent justement sur l’action du temps qui passe. Certains objets décontextualisés suggèrent de nouvelles histoires. Vidant les images de leur contenu initial, extirpant leur signification
originelle, Victor Man donne vie à de nouvelles possibilités de lecture. Seule une partie de leur origine reste inchangée : les déposséder de leur âme est la dernière des actions qu’accomplit l’artiste avant de les réintroduire dans un autre contexte.

Ce qui est important dans les images est l’impression de déjà-vu qu’elles inspirent, l’histoire qu’elles sousentendent, comme si elles devenaient les fantômes de quelque chose qu’elles ont été. Dans ses peintures, dans certains de ses dessins, l’artiste révèle une attention particulière au passé et une volonté de reconstruire une mémoire personnelle.

« Attebasile » sur l’île de Vassivière
L’exposition part de la forêt de l’île de Vassivière, où nous trouvons un jeune arbre recouvert de peaux de renard. Celles-ci, avec le temps qui passe, à cause du climat rigoureux et hostile de Vassivière, imbibées de l’eau de pluie et de l’humidité environnante, tour à tour se gelant et se séchant au gré du soleil et du vent, finiront par se désintégrer.

À l’intérieur du Centre d’art, les travaux présentés restent obscurs dans la gamme chromatique, dans l’imaginaire des sujets, les thèmes émergents se réfèrent à un goût voyeuriste, dans la façon de révéler des motifs liés à un monde qui vit au-delà de la perception normale. Ces peintures sombres sont réalisées en regardant les objets et les images à travers un miroir noir, un dispositif qui distance l’acte de la représentation.

Les figures féminines apparaissent dans diverses oeuvres, liées à des symboliques de type érotique, unies à des loups et à des renards qui suscitent une grande variété d’associations. Les notions d’inconscient, d’un monde parallèle où instaurer de nouveaux codes et de nouvelles existences sont de continuelles allusions à un imaginaire qui dérange figures et objets.

La dichotomie entre les images utilisées et leur défiguration superposée à d’autres dichotomies comme les contrastes entre clair et obscur dans les peintures, entre superficie et profondeur dans les installations. Peintures et installations peuvent être lues métaphoriquement, ce sont des travaux qui font allusion à des événements perçus ou discrètement observés par l’artiste, tout comme l’ensemble de l’exposition parle d’inquiétude et de malaise.

Les oeuvres que nous trouvons dans la nef laissent un sentiment troublant de dépaysement, de malaise, souligné par l’intervention de l’artiste qui bloque la vue d’une partie de la salle avec un mystérieux rideau noir en feutre. Ce tissu opaque donne du mouvement à l’architecture elle-même, en tenant sur une des structures de fer de la toiture et grâce à sa dimension démesurée, crée dans l’espace une présence ambiguë dont nous ne savons pas si elle est là pour dévoiler ou révéler.

Mihai Viteazul, (Mihai le téméraire) est le dessin mural qui introduit et accompagne les autres oeuvres de cette salle, une oeuvre monumentale qui fonctionne comme le prolongement physique et conceptuel de tous les autres travaux de l’exposition. Le personnage de Mihai Viteazul est tiré d’une bande dessinée créée par l’artiste en 1984, à l’âge de 10 ans, lequel a entrepris de narrer les aventures du héros national roumain du
XVIIème siècle, le prince vassal qui de par son action serait devenu la figure fondamentale de l’unification territoriale. Née de l’esprit du très jeune Victor Man, cette figure s’impose comme une énorme structure architecturale et visuelle qui envahit la nef du Centre d’art.

Au milieu de la nef, Victor Man propose une fragile architecture, Untitled (2007), une oeuvre constituée d’un assemblage d’éléments disparates : une peau de renard, une boîte en plexiglass, une vieille chaise d’école en bois, recouverte d’une moustiquaire. L’ensemble repose en équilibre précaire sur une base en bois. Suspendu aux pieds de la chaise et dissimulé en partie sous un voile transparent, le corps d’un renard apparaît aux
visiteurs comme le simple élément d’une structure narrative complexe.

La Salle des études montre aux visiteurs une autre zone de l’univers ambigu de l’artiste qui y dessine un combat de corps et d’animaux laissant entrevoir des loups. Ces images, difficilement perceptibles, ressemblent plutôt à des apparitions.

Dans le Petit théâtre, Victor Man expérimente une forme narrative empruntée à l’histoire de l’art et à la « revisitation » du mythe d’OEdipe et du Sphinx. Déjà Ingres au début du XIXe siècle et plus tard Bacon dans les années quatre-vingt avaient récupéré ce mythe. Victor Man reprend les références constitutives des chefs-d’oeuvre réalisés par ces deux artistes et produit une oeuvre aux accents tragiques, atteignant une intensité extraordinaire, presque comme une vision d’Apocalypse.

Si au centre de l’oeuvre de Bacon apparaissait une figure instable, Victor Man matérialise la sienne à travers un objet qui appartient au vécu quotidien, un jambon suspendu au plafond sur lequel deux ampoules fixées sont allumées. Le caractère chaotique et flottant de l’oeuvre auquel il se réfère est abandonné pour laisser place à une condition de formes particulièrement dures où la violence n’est plus seulement visuelle mais fortement symbolique.

L’habilité de Victor Man consiste en la création d’une atmosphère qui permet d’interroger à travers différentes modalités le sentiment de sacré qui peut être produit grâce à l’utilisation de la lumière et de la mise en scène. Associant les notions de désir et de fragmentation – géographique et idéologique – l’artiste crée de nouvelles narrations où la sensualité humaine est évoquée avec tous les scénarios idylliques et infernaux qui l’accompagnent. Éloignée de son contexte et vidée de sa substance première, chaque oeuvre se reformule avec un nouveau vocabulaire pour créer ce que l’artiste décrit comme « un terrain de turbulences où la vérité devient une question d’indices ».

« J’évite de donner un statut définitif, j’aime l’idée de pénétrer doucement les choses et de conserver une distance. Si les choses doivent devenir trop explicites, j’inclurai un autre élément qui perturbe la cohérence. »

Catalogue
A l’occasion de l’exposition « Attebasile », Victor Man a dessiné un livre co-edité par le Ciap et l’Ikon Gallery.

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