François-Marie Banier, Chuck Close, Jim Dine, Adam Fuss, Jenny Holzer, Robert Longo, Jack Pierson, Robert Rauschenberg, Donald Sultan, William Wegman
Atelier David Adamson
David Adamson fait partie de cette poignée de visionnaires qui, dès le début des années 1990, ont été les premiers à se rendre compte du potentiel que renfermaient les nouvelles technologies de l’image numérique adaptées aux besoins des photographes et des imprimeurs traditionnels. Grâce son expérience acquise en tant qu’imprimeur de lithographies et à son sens audacieux de l’entreprise, qui lui a permis de prendre des risques à la fois esthétiques et financiers, Adamson a créé et développé un atelier maintenant célèbre dans le monde entier où sont effectués des tirages numériques pour la plupart des grands artistes et photographes d’aujourd’hui.
Cet atelier, situé dans le centre de Washington et installé dans un ancien garage industriel réaménagé, sert d’espace de création aux artistes (qu’ils viennent de New York ou de Paris) et de banc d’essai pour les derniers progrès électroniques : on y teste des appareils produisant des épreuves archivables de haute qualité, qui rivalisent avec leurs équivalents photochimiques, et, de plus en plus souvent, parviennent à les dépasser.
David Adamson n’a pas commencé d’emblé sa carrière en tant qu’imprimeur numérique, mais dès ses études d’art en Angleterre, il avait en quelque sorte l’impression dans le sang. Sorti de la Slade School of Fine Art à Londres, il débute chez Petersburg Press, où il travaille pour Jim Dine, James Rosenquist et Henry Moore, puis chez Tamarind Press au Nouveau-Mexique, où il étudie la lithographie. Dès 1982, il enseigne l’art de l’impression à la Corcoran School of Art, publie des lithographies sur pierre pour d’autres artistes sous le nom de Adamson Editions, et nourrit une fascination grandissante pour l’informatique. En 1984, il achète l’un des premiers modèles d’ordinateurs Macintosh créés par Apple et l’utilise pour créer des logiciels de graphisme.
Un an plus tard, avec l’aide d’Apple qui lui fait don de cinq ordinateurs et de quelques imprimantes, il met en place à Corcoran un cours d’art assisté par informatique, peut-être le premier du genre aux Etats-Unis.
La lithographie est donc reléguée au second plan derrière la fascination d’Adamson pour les nouvelles technologies.
Adamson Editions a connu une renaissance quand Adamson a acheté une imprimante Iris en 1994. Cette imprimante n’était pas conçue pour l’impression d’art, mais Adamson a mis à profit ses connaissances en informatique pour modifier les capacités de la machine. Son premier projet fut un portfolio de dix épreuves réalisées par dix artistes locaux, tiré en cinquante exemplaires et intitulé «Le portfolio Washington».
Cinq ans plus tard, il travaillait déjà avec de nombreux artistes de réputation internationale : Chuck Close, Jim Dine, Robert Rauschenberg, William Wegman. Ce groupe d’excellents artistes, tout en œuvrant pour l’image de marque de l’entreprise, ont mis l’accent sur la collaboration fructueuse entre photographe et imprimeur. Comme tous avaient une grande expérience de l’impression d’art traditionnelle, ils parlaient le même langage qu’Adamson et partageaient sa vision des potentialités de l’impression numérique. Close, par exemple, lors d’une des premières réalisations d’Adamson avec l’imprimante Iris, choisit de reproduire en les agrandissant quelques-uns de ses portraits grand format sur Polaroïd en assemblant chaque portrait à partir de quatre panneaux Iris imprimés séparément.
Aujourd’hui, les Adamson Editions utilisent la dernière génération des imprimantes Epson, capables d’effectuer de véritables tours de magie, comme par exemple de modifier les tailles de toutes les gouttelette d’encre afin d’éliminer toute trace de leur origine numérique. Les mécanismes à encre qu’Adamson fut l’un des premiers à employer ont été remplacés par des pigments longue durée.
Par ailleurs, la liste des artistes qui collaborent avec Adamson inclut maintenant notamment Annie Leibovitz et Victor Schrager, dont l’œuvre a été imprimée auparavant sur papier photographique noir et blanc ou couleurs en utilisant la technologie conventionnelle de la chambre noire.
Ces photographes ne maîtrisent peut-être pas le langage de l’impression traditionnelle aussi bien que Close, Dine et Rauschenberg, mais ils considèrent que les possibilités offertes par l’impression numérique leur permettent une expansion et une extension de leur propre gamme d’expression. Adamson travaille également avec des artistes tels que Jenny Holzer, Roni Horn, Robert Longo et Kiki Smith, dont l’approche plus conceptuelle de l’œuvre d’art ouvre néanmoins des perspectives vers l’expérimentation de l’impression photographique numérique.
On peut estimer que ces artistes sont attirés par l’impression numérique de la même façon que les pionniers de la photographie étaient attirés par l’impression photographique. Pour en avoir la preuve, il suffit de se tourner vers Chuck Close ou vers Adam Fuss : tous les deux incluent dans leur œuvre les daguerréotypes modernes. Comme leurs prédécesseurs, ces daguerréotypes existent en tant qu’images uniques; dans le jargon des imprimeurs, ce sont des monotypes. Mais en les numérisant et en créant des tirages limités d’impressions pigmentaires, l’artiste bouscule notre conception de l’individualité raréfiée de l’image.
Close complexifie le discours sur la multiplicité opposée à l’authenticité en utilisant fréquemment comme source originale une version plus moderne du daguerréotype : un appareil et une pellicule Polaroid 20×24, ce qui produit une image unique aussi sûrement que le daguerréotype, mais d’une dimension plus grande et en couleurs.
Avec le même appareil Polaroid, Wegman réalise beaucoup de ses célèbres portraits de chiens, dont chacun est unique. Fuss se rapproche des travaux de Wegman, mais sans utiliser le Polaroid : chacun de ses photogrammes est unique car il s’agit de l’enregistrement d’une exposition sans appareil directement sur une feuille constituée d’un matériau sensible à la lumière. Une fois transformées en épreuves numériques à tirage limité, ces images abandonnent leur matérialité intrinsèque en tant qu’originaux pour atteindre un public plus large d’admirateurs potentiels. (…)
Extraits du texte d’Andy Grundberg, L’unique et le multiple : Réflexions sur les traditions de la photographie et de l’impression à l’ère du numérique
> Les artistes
François-Marie Banier, Chuck Close, Jim Dine, Adam Fuss, Jenny Holzer, Robert Longo, Jack Pierson, Robert Rauschenberg, Donald Sultan, William Wegman
François-Marie Banier
Les photographies de François-Marie Banier expriment tour à tour ou quelquefois mêlés, le sublime, le dérisoire, le burlesque, le tragique, l’ironie, la joie, la mélancolie, le temps qui passe, le temps qui vient. S’effaçant devant ses modèles, Banier fait de la photographie une histoire personnelle sans jamais dire je. Déclinaisons de pures visions tout autant que preuves d’amour, ses portraits sont sommes d’émotions, d’histoires qu’il raconte en romancier épris du secret de ses personnages.
À travers les êtres que Banier nous fait découvrir s’esquisse aussi le portrait du photographe. Ce ne sont pas des types sociaux qu’il décrit, mais des individus de passion, de silence et de grâce.
Depuis la fin des années 80, François-Marie Banier écrit sur ses photographies, alignant ou bousculant les phrases à même l’image. Signature visuelle immédiate, l’encre fait écho à l’ombre et à la lumière, au noir et au blanc, trajet qui déjà anime l’instant fixé. Il s’empare de la photographie comme s’il avait longtemps souffert du silence de ces clichés, de ces réalités finies. En 1997, Banier commence à peindre sur ses photographies qui sont le développement naturel des photos écrites.
Qu’il écrive ou qu’il peigne sur ses photographies, François-Marie Banier suit toujours la ligne qui le relie à son sujet, raison peut-être pour laquelle souvent il épargne les visages, dernier lieu sacré.
Chuck Close
La composition et le sujet des tableaux de Chuck Close sont restés les mêmes depuis ses débuts en 1967 : la reproduction en gros plan de la figure humaine.
Rejetant tout traitement humaniste des visages il les traite comme une carte dont la topographie est uniformément intéressante. Le front, les yeux, les joues ou le menton font l’objet d’un intérêt égal. Il s’intéresse au flou que l’œil humain élimine mais que l’objectif permet de voir.
Il a été étroitement lié dès ses débuts au mouvement hyperréaliste.
Chuck Close prend des sortes de photos d’identité, des Polaroids au format 60/51 cm; le sujet peut se voir instantanément, ce qui permet de discuter des prises de vue et d’en faire d’autres s’il ne se reconnaît pas. Celles-ci sont exécutées en noir et blanc et en couleur. Il dessine ensuite sur acétate un grille posée sur le Polaroid. Celle-ci est ensuite reproduite sur la toile; ce n’est qu’après que la peinture est exécutée : Close travaille de gauche à droite en procédant par groupes de 4 carreaux composant chacun les pièces d’une sorte de puzzle.
Jamais la peinture de Chuck CLose n’a été aussi intuitive.
Jim Dine
Né en 1943, à Cincinnati (Ohio, États-Unis), Jim Dine connaît, dès le début de sa carrière, un renom international. Au cours de ces trente dernières années, Dine a participé aux mouvements esthétiques les plus influents et les plus importants, dont le Pop Art. Il a exposé dans les galeries et les musées les plus prestigieux d’Amérique et d’Europe, parmi lesquels le Centre Georges-Pompidou et le Guggenheim Museum de New York. L’œuvre, monumental, de cet artiste au talent diversifié comprend aussi bien des peintures et des sculptures que des dessins et des estampes, Dine maîtrisant chacune de ces techniques avec un brio tout à fait exceptionnel. À ce jour, Jim Dine a été professeur invité dans plusieurs universités à travers le monde.
On peut se demander pourquoi il a mis si longtemps à s’intéresser à la photographie. La réponse est que la photographie ne lui semblait pas offrir toutes les possibilités que son art exige. Jim Dine a toujours été intéressé par la texture chatoyante des objets et l’ambiguité de leur représentation. Aux robes, cœurs, cravates et outils que Dine a peints et dessinés dans les années 70 et 80, manque la présence humaine, mais ils possèdent curieusement une sorte de présence inanimée.
À l’inverse, les autoportraits, les nus féminins, les mains, reproduits de façon obsessionnelle et répétitive à la peinture et à l’encre, peuvent être facilement interprétés comme des signes d’absence. Le but n’est pas tant psychologique que métaphysique : Dine travaille et retravaille ses objets pour les transformer, pour modifier leur signification au cours de ce processus.
Adam Fuss
Né en Grande-Bretagne en 1961, Adam Fuss vit et travaille à New York, après avoir grandi en Angleterre et en Australie. Il a étudié à l’Australian Center of Photography et a travaillé en qualité d’assistant dans un studio de photographies commerciales. Après de nombreux voyages aux Etats-Unis, il s’y installe définitivement en 1982.
Dans les années 1980, il commence à photographier avec un appareil à sténopé, réalise des photogrammes et des daguerréotypes, et se concentre plus particulièrement sur des sujets qu’il trouve dans la nature, comme de l’eau, des animaux, des plantes et des personnes, et les met en scène comme des vêtements ou des sculptures.
Cet artiste utilise les éléments les plus basiques de la photographie et ignore souvent les techniques modernes, il préfère utiliser les méthodes des maîtres de la discipline tels que Fox, Talbot, Daguerre et Marey.
Jenny Holzer
Elle s’est fait connaître en apposant des affiches sur le murs de Manhattan en 1978-1979 – affichettes qui comportaient des suites de phrases courtes, sortes de lieux communs du discours ambiant qu’elle désignait du terme de Truismes. Ce geste de reprise, de réflexion du discours, dénué de tout jugement de valeur ou de considération sur le bien et le mal de telle ou telle sentence, semble l’héritier direct de celui de Gustave Flaubert rédigeant le Dictionnaire des idées reçues.
Cependant, Jenny Holzer met de plus en évidence le statut sémiotique dominant des messages présents dans notre environnement urbain. Par la forme utilisée (affichage, défileur électronique, gravure dans la pierre) ainsi que par la mise en situation, Jenny Holzer s’attache à l’ensemble du message : texte, véhicule et contexte.
Elle s’appuie en outre sur la théorie de la déconstruction qu’avec d’autres artistes de sa génération elle a découvert dans la traduction américaine des travaux du philosophe français Jacques Derrida.
Robert Longo
Né à New York en 1953, Robert Longo vit et travaille à New York. Il commence sa carrière d’artiste en faisant des “performances”, puis des assemblages. Il est connu pour ses dessins grand format, dans lequels il traite de la violence et l’aliénation du monde artificiel de la classe moyenne.
Entre 2000 et 2002, il réalise une série de grands dessins au fusain et crayon, du cabinet et de la résidence de Sigmund Freud, “Les Freud Drawings”.
Jack Pierson
Né en 1960 à Plymouth, au Massachussets. Durant ses étdes au Boston College of Art, il s’est lié aux artistes de ce qu’on appelera la Boston School, dont la figure de proue est Nan Goldin.
On a souvent comparé ses photographies aux clichés d’un road movie, à des notes de voyage dans la course au bonheur propre à la culture américaine. Les sujets qu’il préfère appartiennent tous au quotidien d’un artiste contemporain : des fragments de paysages urbains, des natures mortes aux objets ordinaires, des nus fort marqués par l’érotisme homosexuel.
Loin de vouloir décliner les formules figées de l’imagerie de l’american dream, l’artiste s’attache à leur revers émotif, à ce qu’il appelle “le drame inhérent à la recherche du glamour”. Ses choix techniques soulignent volontiers une telle poétique : la saturation de ses photographies, son usage fréquent du flou et de la surexposition insistent sur leur force émotionnelle.
En capturant un instant, Jack Pierson vise une idéalisation du quotidien se rapprochant du cinéma : la photographie devient pour lui “une décoration de la vie”, la vision d’un monde fictif plus chargé de beauté que le nôtre.
Robert Rauschenberg
Robert Rauschenberg commence ses premières études artistiques au Kansas Art Institut. En 1948, il séjourne à Paris où il s’inscrit à l’Académie Julian.
De retour aux Etats-Unis l’année suivante, il entre au Black Mountain College, où il rencontre notamment le compositeur John Cage et le chorégraphe Merce Cunningham qui lui communiquent leur goût pour la recherche en art contemporain.
Au milieu des années 50, après un grand voyage en Europe, il réalise ses premières peintures intégrant des objets trouvés, les Combines paintings : il hérite ainsi du travail de Schwitters, des collages cubistes et des associations surréalistes. Mais surtout, à travers ces œuvres, il confronte des parties peintes dans le style subjectif des expressionnistes abstraits avec des éléments neutres importés des medias. Grâce à ce type de travail, il triomphe, et avec lui l’art américain, en obtenant le premier prix de la Biennale de Venise en 1964.
Mais, dès le milieu des années 60, il s’oriente vers la recherche technologique en art : c’est ainsi qu’il crée en 1966, avec l’ingénieur en électronique Billy Klüver, l’organisme de recherche “Experiments in Art and Technology”.
Parallèlement, il collabore aux créations de ses amis John Cage et Merce Cunnigham en réalisant régulièrement les décors et costumes de leurs performances.
Donald Sultan
Né en 1951 à Asheville, en Caroline du Nord (USA). Après l’obtention de son BFA à l’Université de Caroline du Nord et son MFA à l’Institut d’Art de Chicago, il s’installe à New York en 1975. Dès son arrivée, Donald Sultan manifeste une énergie créatrice dans les domaines de la peinture de la scuplture et de l’impression.
Le corps de son travail l’a placé tout de suite au premier plan de l’art contemporain, où il est connu par son habileté à fusionner les meilleures traditions artistiques d’hier avec une fraicheur et une approche moderne unique.
Les natures mortes de Donald Sultan sont définies comme des études de contrastes. Sa méthode unique et son travail intensif offre une représentation des objets, d’une puissante sensualité.
En dehors des fruits et fleurs qui l’ont beaucoup inspiré, le travail de Donald Sultan met en espace des formes géométriques et organiques avec subtilité et pureté.
William Wegman
L’irruption du chien dans le travail de William Wegman est déterminante, mais à en croire l’intéressé, cette initiative revient pleinement à l’animal. Man Ray s’ennuie dans l’atelier. Man Ray a besoin de compagnie. Tenu à l’écart, il dépérit. Man Ray – puisque c’est le nom donné par William Wegman à son premier braque de Weimar – est un rien cabotin, en plus il est infatigablement joueur. Et c’est ainsi qu’il entre dans le cadre de l’appareil photo et un peu plus tard de la caméra vidéo.
D’abord motif imposé (William Wegman commence à photographier son chien comme on photographie un nouveau-né), le chien se révèle un formidable partenaire pour ses recherches sur la perception et le comportement. Nous sommes à la fin des années 70. La scène artistique américaine est marquée par l’héritage du Pop Art et la pression de l’Art minimal.
William Wegman obtient un poste d’enseignant en Californie; il s’y installe et se met ainsi à l’abri du dogmatisme et du pragmatisme qui sévissent à New York. Il touche à tout. Tout est possible.
À cette époque, il est alors en pleine crise identitaire, le chien devient emblématique de son travail et, bien sûr, il aura à en découdre avec son image.
Il faut reconnaître dans ce jeu de permutations l’occupation favorite des artistes minimalistes. Un coup de patte, évidemment! La géométrie peut servir à produire des formes, elle peut aussi générer des comportements. D’ailleurs parfois les attitudes deviennent formes…