François Rousseau
Atelier
Après dix années consacrées à la peinture, François Rousseau s’oriente vers la photographie en 1995, il travaille alors pour de nombreuses agences de publicité et réalise des commandes pour la mode et les magazines.
Parallèlement, au cours de recherches personnelles, il découvre le roman de Patrick Grainville L’Atelier du peintre, à sa sortie, en 1988. Ce roman illustre parfaitement, à ses yeux, un des mythes de Los Angeles qui va le hanter pendant des années. Il est frappé par le rapport du peintre à ses modèles qui, issus de tous les milieux, viennent poser dans l’atelier. Comme si les modèles attendaient du maître leur naissance même.
Aujourd’hui, vingt ans après, devenu photographe, en prise lui aussi avec ses modèles, il renoue avec le roman des commencements. Il l’a incarné, en a réinventé visuellement les personnages, les épisodes clés. Tout un théâtre où Los Angeles est mis en scène, dans la diversité de ses corps déchus et glorieux. Ce projet a été réalisé entre l’été 2007 et l’automne 2008, à New York et Los Angeles. Il est accompagné d’un triptyque vidéo de Luc Maes intitulé L’Atelier photographique.
La musique qui accompagne Atelier est composée par Mikael Karlsson. « Life Class » pièce de 25 minutes pour orchestre de chambre n’est pas une musique d’ambiance. C’est une pièce majeure du projet. Le compositeur y prolonge les thématiques des photographies, il a conçu un mixage pour dix hauts parleur qui fait correspondre chaque instrument de l’orchestre à chacune des photographies. La musique est diffusée tous les jours, à 17h, dans l’exposition.
«Le livre raconte l’histoire passionnée et tragique d’un peintre européen, d’un Maître ayant quitté son pays pour s’installer et fonder un atelier de peinture à Venice beach (Los Angeles). Cet atelier a ceci de particulier qu’il a pour étudiants d’anciens délinquants des quartiers défavorisés de LA. Une communauté vit dans l’Atelier : les femmes sont avec les femmes, les hommes avec les hommes, l’hétéroséxualité au centre est totalement fantasmée car elle n’est présente qu’au travers de la fameuse toile de Van Eyke, Les époux Arnolfini, que le maître cherche à reproduire en faisant poser ses élèves mais sans succès…
Je me suis emparé du récit de Grainville et l’ai utilisé comme structure pour mon projet : une série d’environ cent photographies, des compositions, des mises en scène de nus. Le processus de narration appliqué à mes séries photographiques permet de collaborer avec mes modèles sur de longues périodes et en profondeur. Je peux appréhender la composition de mes images comme un peintre, en prenant le temps nécessaire (la postproduction numérique, réalisée grâce aux laboratoires Impact Digital et Iclab à New York, permettant l’élaboration de composition photographique).
Toutes mes images sont des « tableaux photographiques » grand format. C’est Grainville lui-même, en faisant décrire Les époux Arnolfini par son héros, qui me donna les clefs de mon « adaptation » et du style : il parle de réalisme qui s’élève jusqu’au surnaturel, d’un tableau « complètement réaliste et complètement sacré ». J’ai cherché à être le plus précis et vrai possible. Mes modèles sont de vrais peintres, de vrais musiciens, de vrais danseurs et je les ai photographiés avec le plus précis des appareils photos : une chambre 20 x 25. Je les ai éclairés d’une lumière totalement artificielle.»