Céleste Boursier Mougenot, Michel De Broin, Vlatka Horvat, Lucas Samaras et Philippe Ramette
Assises
Lors de leur unique rencontre, Jacques Tati qui parlait peu l’anglais, et Buster Keaton qui ne comprenait pas le français, se sont montrés mutuellement des pantomimes burlesques à l’aide d’une chaise, des trucs de chaise. L’objet leur tenait lieu de langage commun. Sans être animistes, ils parlaient tous les deux la chaise.
Pour dire le vrai, il n’y a pas grand mérite à faire une exposition de chaises. Le simple feuilletage de quelques revues, de quelques livres généralistes d’histoire de l’art suffirait à constituer un ensemble considérable d’oeuvres contemporaines impliquant des chaises, de quoi remplir le musée le plus ample et contenter ceux qui ont le goût des expositions à un mot.
Rien d’étonnant que le symbole d’une présence de l’absence ait été un sujet récurrent de la modernité, de Van Gogh à Paul Thek, d’Alvin Lucier à Joseph Kosuth. L’oeuvre d’art n’est-elle pas l’objet inerte d’une rencontre, un espace de pensée laissé vacant par l’artiste pour devenir le réceptacle des références, l’assise des idées et des désirs individuels qui recomposent pour chacun une hybridité nouvelle ?
Plus qu’une exposition d’objets, «Assises» invite à une réflexion sur des comportements individuels. Ce qui est en jeu dans la présence récurrente de chaises dans l’art, c’est la relation contrariée de l’artiste à la société de pensée à laquelle il adresse son travail tout en gardant ses distances.
Le titre de l’exposition joue du double sens qui désigne à la fois les objets pour s’asseoir, et les tribunaux où l’on peut être l’objet malheureux d’un jugement collectif. La chaise incarne l’omniprésence fragile d’un créateur au monde, un autoportrait en pied de l’artiste en animal social.
L’exposition «Assises» est l’occasion de découvrir des oeuvres remarquables dont une sculpture peu connue du grand artiste grec Lucas Samaras, artiste du Pavillon grec de la biennale de Venise 2009, qui, on s’en souvient, avait photographié le gratin de la scène new-yorkaise sur une chaise dans la plus primitive nudité.
Céleste Boursier Mougenot présente Keyboardchairs, une oeuvre surprenante qui conjugue l’harmonie musicale et le diktat des bonnes manières dans un dispositif inattendu d’orchestre de chambre en forme de salle d’attente.
La chaise est l’un des personnages principaux de la cosmologie humoristico-existentielle de Philippe Ramette. Son Fauteuil Seatcom, édité à l’occasion de son exposition au domaine de Chamarande et présenté au Mamco de Genève l’été dernier, condamne le spectateur qui s’y repose à être l’objet des rires préfabriqués de séries télévisées, comme pris sur un trône de vergogne.
L’exposition «Assises» permet également de découvrir l’oeuvre d’artistes émergents dont le canadien vivant à Berlin Michel de Broin, ou l’artiste américano-croate vivant à New York Vlatka Horvat.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Paul Brannac sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Assises