Au commencement était le son. La vibration primordiale, un imaginaire des déflagrations à l’origine de l’expansion de l’univers, peut-être. La composition du Gérôme Nox donne matière au plateau entièrement plongé dans le noir. L’urgence n’est pas de mise ici et tout le temps nécessaire est offert afin que chacun quitte son quotidien et se laisse gagner par l’obscurité. Lorsque la lumière progresse, elle révèle des reflets métalliques, des lignes de corps qui sortent de l’ombre. Groupe d’individus désorientés, les cinq danseurs parcourent le plateau. La matière visqueuse qui recouvre le plateau et les peaux se fait aqueuse, les pas en font sortir un bruit de flaque.
Dans la boue primordiale d’une huile végétale s’incarne l’infini. Celui que l’on essaie de saisir par la pensée ou l’expérience, celui qui échappe toujours. Eric Arnal Butschy utilise les possibilités plastiques d’une matière sobre et insolente afin de territorialiser une hétérotopie. Un tiers lieu hors du temps qu’il peuple de figures humaines. Celles-ci quittent leur verticalité pour se jeter dans une succession de figures, aller-retour glissés, chutes et relevés spectaculaires qui fragmentent la matière en multitude de gouttes.
Les corps se trouvent magnifiés par la précision avec laquelle se découpent squelette et musculation. Ils se rencontrent à peine comme pour dire la trajectoire unique de chacun. Des traces de ces trajectoires rapides demeurent un instant, lignes ouvertes sur l’eau noire. Lorsque chaque danseur tourne sur lui-même, spirale image d’une micro-galaxie, ou lorsqu’ils se réunissent, pyramide humaine enfin immobile, la technicité éclate. La composition également alors que des postures tenues répondent au ressac des traversées ou que les ruptures de rythme vont à l’encontre de l’évidente vitesse liée à la matière. Ailleurs, on s’étonne un peu de l’énergie constante, d’un état de corps non identifié et de la violence des chutes qui frappe les corps.
Bouncing Universe, succession de phases d’expansion et de rétraction est un essai. Une écriture qui fait fusionner arts visuels et arts vivants –corps et matière- afin de modéliser un voyage dans un univers en constante mutation, sans commencement ni finalité. Un bien bel essai.