Susanne Strassmann
Art people or employees
Qu’est ce qui fait courir le monde de l’Art—entendez la micro-planète des directeurs de musées, galeristes, commissaires d’expositions, collectionneurs, critiques…—de Foires en Biennales, en quête d’achats, de contacts ou d’évaluation, et le mot veut tout dire depuis que le Marché est devenu, ces 20 dernières années, assez juteux pour tenir son rang dans les placements de haute volée.
Rien qu’à Marseille, des manifestations titrées «Art dealers» ou «Art-O-Rama» annoncent la couleur. Susanne Strassmann, artiste peintre mais mandatée comme photographe dans les salons de Venise, Bâle ou Kassel a tiré le portrait des individus, des situations, des tensions et des incertitudes qui agitent toute l’échelle des travailleurs du Contemporain, du sponsor au barman. Sans caricature, sans ironie, elle pose sur leurs représentations un regard averti, sensible aux détails: ce bracelet multicolore, ourlant à peine la manche du costume trois-pièces rayé, est-ce un grain de folie dans la respectabilité, un code, un signal?
Elle joue aussi avec l’ambiguité des scènes: ce torero étalé au milieu de la salle, ivre-mort ou performant? Ce type sexy dans le miroir au-dessus du lit en peluche de Sylvie Fleury, amant potentiel ou manard prévernissage? Ce tatoué érectile, exhibitionniste heureux ou body-arteur? Et ce balayeur dans le labyrinthe de glaces, technicien de concepts ou technicien de surface?
Cette petite sociologie portative recense évidemment les classiques du genre—emblèmes religieux, manège transgenre avec perruques, scarifications et panoplies à gogo, directrice de FRAC total pomponnée grand style, ordinateurs et téléphones en pagaille qui attestent du vrai travail à l’oeuvre ici: La Finance est aux taquets. Gardiens, marchands et artistes ont l’uniforme, les visages virent aux masques, et régulièrement, le jeu des reflets, transparences et tamis confondent le spectateur avec l’objet d’art …
Enfin, spécialité française, le médiateur culturel est arrivé, zigouillant allègrement notre passion directe, affective et mentale avec l’oeuvre. Aujourd’hui, on vous médiatise l’art sans problème, on explique, on s’explique, on s’applique, on applique les métaphores du commerce ou des médias. Bref, on se cultive. Susanne Strassmann opère à distance variable, et ses images ont parfois un sens élastique. Les légendes des cartels et des photos du catalogue, premier ou deuxième degré, ont ce qu’il faut de concision pour confiner à l’humour. Rions!