Art, création, fiction

— Éditeur : Jacqueline Chambon, Nîmes
— Collection : Rayon art
— Année : 2004
— Format : 15,50 x 22,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 218
— Langue : français
— ISBN : 2-87711-271-3
— Prix : 25 €

Introduction
par Nathalie Heinich et Jean-Marie Schaeffer (extrait, p. 10-11)

Dans ce livre passablement atypique, à trois reprises, et sur des thèmes touchant à l’esthétique, à la création, à la fiction, chacun de nous relit et commente, de son point de vue — c’est-àdire au filtre de sa discipline et, dans sa discipline, de son approche personnelle — les apports d’un texte écrit par l’autre. La nouveauté n’est donc pas tant dans les textes qui servent de support à cet exercice (encore que leur publication soit restée parfois confidentielle) que dans la relecture qui en est faite et, surtout, dans la comparaison des deux approches qui s’en dégage, du point de vue de la méthode intellectuelle comme de la définition même d’une posture de recherche.

Celle-ci a aussi pour caractéristique un certain détachement à l’égard de notre objet commun : probablement l’art n’est-il pas tant pour nous le départ et l’aboutissement de notre désir de savoir, que le prétexte à une réflexion différente sur des questions beaucoup plus générales, dont la philosophie et la sociologie ont traditionnellement à traiter. C’est là, peut-être, le fond de notre intérêt commun pour la discipline — et le jeu sur les deux sens du mot a ici son sens. Voilà qui peut expliquer une certaine marginalité, tant par rapport aux spécialistes de notre objet pour qui l’art est souvent une valeur en lui-même, sans que soient interrogées, comme nous le faisons, les conditions mêmes de cette valeur — que par rapport aux philosophes et aux sociologues non spécialisés dans l’art, qui trop souvent n’osent pas s’aventurer dans le domaine esthétique, parce qu’ils le pensent réservé aux connaisseurs, ou bien dédaignent d’y entrer, parce qu’ils le pensent condamné aux discours de célébration ou de dénigrement dénués de toute validité cognitive. Si ce livre incitait les sociologues et les philosophes à s’aventurer dans leur plates-bandes respectives, et les non-spécialistes d’art à s’aventurer dans les plates-bandes de l’esthétique en y cherchant, non tant une initiation à son objet qu’un autre regard sur leur discipline, nous aurions atteint nos objectifs, au-delà même de nos espérances.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Jacqueline Chambon)

Les auteurs
Nathalie Heinich est sociologue, directeur de recherche au Cnrs. Plusieurs de ses travaux portent sur l’art contemporain : Le Triple Jeu de l’art contemporain (Minuit), L’Art contemporain exposé aux rejets (Chambon).
Jean-Marie Schaeffer est philosophe, directeur de recherche au Cnrs. Il est l’auteur, entre autres, de L’Art de l’âge moderne (Gallimard).