Performance chorégraphique pour trois interprètes, If You Could See Me Now (2017) d’Arno Schuitemaker, transforme la scène en dancefloor. Et comme le laisse supposer le titre, If You Could See Me Now [Si tu pouvais me voir maintenant], il y a du défi dans la performance proposée. Chorégraphe contemporain néerlandais basé à Amsterdam, Arno Schuitemaker livre une pièce sous influence. Celle d’une musique pulsée, électro, jusqu’au bout des limites du corps. Ou jusqu’au bout du petit matin, quand la fatigue dépasse le seuil de la lourdeur pour atteindre celui de la légèreté, de la transe. Sur scène, les trois interprètes — Revé Terborg, Stein Fluijt et Johannes Lind — entraînent ainsi les publics dans une expérience de l’absolu. Sur une musique de Wim Selles et un travail de lumière composé par Vinny Jones, les danseurs se lâchent. Individus distincts, rythmes distincts, progressivement, de façon presque hypnotique, se dessine une forme de fusion.
If You Could See Me Now d’Arno Schuitemaker : hypnotiser le dancefloor
Dans son essai L’Imaginaire, Jean-Paul Sartre décrit une catégorie d’images particulières : les images hypnagogiques. Le feu, l’eau… Certaines représentations en mouvement suscitent la fascination, l’hypnose. Chorégraphie hypnagogique, If You Could See Me Now fait apparaître une forme de transe où les corps, le rythme, la lumière, forment une vague. Un flux texturé, qui s’intensifie, se déplace, se déploie, se rétracte, frisonne, se contracte… D’allure aléatoire, il y a pourtant des règles qui président à ces mouvements, volontés et intentions de tous les protagonistes incluses. Jusque dans le moment du lâcher prise. La locution « If you could see me now » implique d’ailleurs une forme de paroxysme. Comme une envie de gommer tout ce qui précède, parce que, précisément, le bon moment c’est maintenant. À mi-chemin entre l’inconscience qui autorise la plus grande fluidité, et une conscience aiguisée, en temps réel, de la qualité de ce qui est donné à voir.
Chorégraphie pulsatile, aux limites du corps des danseurs : entre extase et fusion
Expérience physique, de sueur et d’endurance, If You Could See Me Now d’Arno Schuitemaker engage ainsi danseurs et publics dans un moment d’exultation partagée. Mais tout comme l’image des vagues, il y a plusieurs niveaux de lecture. Celui, purement esthétique, de la fascination médusée. Celui, plus physique, du décryptage des lois qui président aux mouvements observés. Pour les anticiper, les prédire. Et rien n’empêche de circuler entre ces approches. Au contraire : les spectateurs sont invités à regarder, observer et demeurer mobiles face à ce qui est donné. Et qui ne cesse de se dérober. Si tu pouvais, si vous pouviez me voir maintenant : le titre souligne la difficulté de saisir. Même en voyant maintenant, il y a un décalage, un retard. Ou simplement l’expérience d’un temps réel sans anticipation possible. Pièce énergique et pulsatile, If You Could See Me Now d’Arno Schuitemaker fera sa première française au festival Actoral 2018.