Ariane Michel filme la terre, l’inerte et l’intemporel. Elle parcours le monde à la recherche de ces espaces détachés de la civilisation et nous offre les images d’un temps diffracté à éprouver.
Pour son film Le Faisceau, caméra à l’épaule, elle traque silencieusement à la lumière d’une lampe torche une présence animale. Une biche croise le champ de la caméra, s’arrête et disparaît dans les broussailles, la rencontre est furtive.
Face aux images de Sur la Terre, le temps ralentit. Des morses, semblables à de lourdes pierres, sommeillent sur les rives d’une mer gelée. On voit les soulèvements lents et hypnotiques de leurs poitrines. L’artiste rentre en osmose avec les animaux, végétaux et minéraux. L’intrusion des scientifiques dans cette région arctique délaissée par les hommes, est annoncée par une litanie sonore étrangement synthétique. Les morses, imperturbables, lèvent à peine la tête, bâillent puis se rendorment, les hommes ne faisaient que passer. Le film s’achève, accompagnés des ronflements puissants des morses toujours assoupis.
L’installation Le Camps est accompagnée par un bourdonnement électrique. Les images sont envahies par des nuées de moustiques à tel point que l’on distingue avec peine les formes imposantes qui s’agitent parmi elles. Dans cet environnement plutôt hostile, on observe pourtant sur ces territoires entre rêves et cauchemars, une vie humaine. Un enfant joue avec un chien, un homme découpe à mains nues du gibier, d’autres discutent et se restaurent sous une moustiquaire, sans montrer le moindre signe de gène.
Contrairement à ces territoires inquiétants, les rivages sont plus paisibles dans le film Les Hommes (prix de la compétition en 2006 à Marseille).
Sur les rives rocailleuses d’une île sauvage, Ariane Michel filme la terre à hauteur des pierres et d’animaux. Le temps s’allonge, les éléments bougent lentement dans un univers de brume et de gris. Au loin, on devine un bateau. Des figures étranges et intrusives filmées à contre jour envahissent alors l’écran. Ariane Michel observe du point de vue de la terre la présence des hommes. La caméra se rapproche à mesure que la rencontre s’établit, l’homme intrus et prédateur s’intègre et s’humanise lentement jusqu’à la parole, intégrée peu à peu à l’environnement sonore.
L’installation monumentale La Ligne du dessus (film produit par l’Espace Croisé) clôt le parcours. Ariane Michel a suivi durant quelques mois la déambulation d’un troupeau de Przewalski, des chevaux sauvages réintroduis récemment sur les plateaux de Mongolie.
Les temps se superposent. D’abord immobile, l’Å“uvre se présente comme une fresque préhistorique, les corps s’inscrivent et se confondent dans les paysages ocres. Peu à peu les courbes s’animent. Le troupeau se met en route accompagné du bruissement des queues qui s’agitent dans un mouvement hypnotique, des souffles profonds, des hennissements et des sabots qui claquent sur la terre aride.
Ariane Michel a accompagné ces chevaux jusqu’aux dernières lueurs du jour, les corps se perdent alors dans la nuit, les bruits de leurs foulées dans l’eau deviennent nos seuls repères.
Liste des œuvres
— Ariane Michel, Le Faisceau, 2010, 1mn30, vidéo
— Ariane Michel, Sur la Terre, 2005, 13mn, vidéo
— Ariane Michel, Le Camps, 2009, 11mn, installation vidéo en triptyque
—Â Ariane Michel, Les Hommes, 2006,95mn, film
— Ariane Michel, La Ligne du dessus, 2010, 23mn40, installation vidéo sur quatre écrans synchronisés